« Avant, je vais te faire une confidence, Vacher. Ton argent pue terriblement. Tu ne sens pas la charogne, tu pues la bêtise, la connerie et, si ça se trouve, t’as même pas de cerveau. Et si on regarde au-dessus de ta tête, on doit voir tes dents. »
Dernier film de Gilles Grangier scénarisé et dialogué par Michel Audiard, c’est aussi le dernier interprété par Jean Gabin. Au total, les trois hommes auront porté neuf films ensemble, depuis Gas-Oil (1955). Cette fois, François Boyer (auteur de Jeux Inconnus qui deviendra Jeux Interdits, René Clément, 1952, et scénariste notamment d’Henri Verneuil et d’Yves Robert) rejoint le scénario pour cette adaptation d’un roman de Robert Vrigny, Fin de Journée).
Autour, ou plutôt derrière Gabin, tant le film est tout entier posé sur ses épaules et son jeu quelque peu stéréotypé, on retrouve une exceptionnelle Suzanne Flon en épouse lasse et digne sur le départ, Colette Deréal en amie intime et autonome, Raymond Gérôme en beau-frère revêche, Michel Auclair en banquier obséquieux, Jacques Monod en financier âpre, Alfred Adam en margoulin ancien collabo, bref, toute une galerie de seconds rôles auprès desquels Albert Raynal, constructeur en aérospatiale, s’enfonce inexorablement après l’échec d’une de ses dernières créations, un missile.
Lent, le film bénéficie néanmoins du talent forgé par le temps d’un Grangier qui savait, peut-être mieux que personne, épouser les mouvements, lents aussi, de Gabin, sa démarche, le poids de sa lassitude, dans une histoire où, comme c’était déjà un peu le cas dans Le Sang à la Tête, qui réunissait déjà Grangier, Audiard et Gabin sur une histoire de Simenon, 12 ans plus tôt, l’acteur incarne un homme qui perd progressivement pied et qui est lâché par ses proches, rôle rare pour un Gabin qu’on a plutôt l’habitude de voir en patron inébranlable.
Au final, s’il n’est ni le plus connu ni le meilleur des films du trio, ce Sous le Signe du Taureau est plus dense qu’il n’y paraît, une comédie sombre aux accents simenoniens.