Il est important que je sois honnête dès le début de cette critique : il ne s’agit pas là d’un grand film. Mais il présente toutefois certaines qualités qui ne sont pas négligeables.
Commençons, si vous le voulez bien, par ses défauts. Si vous voulez voir un grand film de guerre, épique, haletant, passez votre chemin ! Les scènes de combat sont filmées très platement, sans envergure, malgré la beauté des décors naturels. Si vous souhaitez voir un cours sur la guerre d’Algérie, là aussi, je crains que vous ne soyez déçus… En effet, sans être un spécialiste, il y a de nombreuses inexactitudes. Alors, me direz-vous, vous pensez que j’ai l’intention de « descendre » le film comme je l’ai fait récemment pour le remake du Roi lion.
Eh bien, non, car ce film possède de réelles qualités ! Tout d’abord, il s’agit là du premier film, américain, et pas français, sur la guerre d’Algérie. La guerre d’Indochine est évoquée, mais de façon très fugace et quelque peu caricaturale. Souvenons-nous que le gouvernement français avait interdit toute production sur le sujet à cette époque et il faudra attendre 1 973 et R.A.S d’Yves BOISSET pour voir un film s’y rapportant.
Le film est centré sur le personnage joué par Anthony QUINN, le lieutenant-colonel Raspeguy, un officier en délicatesse avec l’autorité qui, au sortir du conflit indochinois se retrouve sans commandement (le fameux Lost command du titre original), à deux doigts d’être viré de la grande muette. Mais la relation qu’il entame avec la veuve de l’un de ses subordonnés décédé en Asie, d’une grande famille de tradition militaire, lui permet de recouvrer un poste. Je vois bien que la vraisemblance de la situation vous chagrine, mais ne nous arrêtons pas à ça.
Avant de partir rejoindre son régiment, constitué aux dires de son supérieur de rescapés et blessés de tout poil, il rassemble ses hommes et leur propose un baroud d’honneur pour solidifier sa structure armée. Evidemment, ils acceptent tous et rempilent pour régler la situation de guerre civile dans la colonie française.
Une fois sur place, les hommes sont formés à la dure par ces combattants confirmés et deviendront des guerriers honorables, comme la plupart des hommes. Ils seront envoyés dans les Aurès et combattront les rebelles. Ils feront de même à Alger, où ils seront rappelés un peu plus tard pour ramener l’ordre et la paix.
Le récit et les péripéties sont classiques, mais ce qui est particulièrement intéressant, c’est l’opposition des caractères de cette troupe, notamment les 3 personnages centraux : Raspeguy, le capitaine Philippe ESCLAVIER (Alain DELON) et le capitaine Boisfeuras (Maurice RONET). Boisfeuras est un sanguinaire : il se bat parce qu’il aime ça et n’hésite pas à se venger sauvagement lorsque ses hommes sont tués, ou à torturer pour obtenir des renseignements. Esclavier est un humaniste en kaki. Il est prompt à aller au combat et défend ses camarades, mais souhaite une guerre « propre », dans le respect de l’ennemi et de l’esprit de la guerre. Au milieu, Raspéguy est beaucoup plus ambigu, puisqu’il joue sur les deux tableaux et se sert de ses deux bras droits pour maintenir l’équilibre précaire qui règne au sein de son régiment en ces temps troublés. Il n’obtient l’obéissance de ses hommes que dans les situations extrêmes où il n’hésite pas à combattre avec eux. Le reste du temps, il est opportuniste. Il feint de ne pas savoir la torture au sein de son unité, mais se gargarise et se sert de ses résultats. Après l’expédition punitive sur un village du désert, il s’en prend à Escalvier pour n’avoir pas us tenir les hommes, puis abandonne tout esprit de sanction lorsqu’il est félicité par le général pour ses résultats. Ce personnage est au final assez velléitaire. Il ne donne pas une image très reluisante du supérieur militaire.
Tous ces conflits internes ne mèneront qu’à deux choses, comme c’est souvent le cas dans ces cas-là : la décoration des opportunistes et des sanguinaires et le départ de l’humaniste écœuré par tant de lâcheté morale. A ce titre, la toute dernière séquence est particulièrement réussie. Elle voit Alain DELON revenir à la vie civile. En sortant de la caserne, il voit des algériens laver le mur du bâtiment pour effacer le mot « indépendance » et, au coin de la rue, de jeunes arabes s’enfuir à son approche alors qu’ils sont en train d’inscrire le même terme sur un nouveau mur. Esclavier s’en va alors, souriant à l’ironie de la situation. Cette séquence symbolise parfaitement l’opposition et le combat entre la force colonisatrice et la volonté de liberté du peuple opprimé, qui se relève sans cesse pour se battre, avec ses propres armes, même si elles sont parfois bien dérisoires. En l’occurrence, elles aboutiront au gain de la fameuse indépendance, comme cela avait été le cas en Indochine.
En définitive, il ne faut pas s’arrêter qu’aux scènes de batailles mal filmées… Il y d’autres intérêts à voir ce film.