Ah, Les Tontons flingueurs, ce "film à papa" dont cette caractéristique-même agissait jusque-là plutôt comme un repoussoir, et qui nous a carrément surpris. Loin du film un peu vantard de bonhommes qui parlent fort et tirent à la sulfateuse pour montrer qu'ils sont des durs (le genre de films dont on est très peu friand, et qui, d'après le résumé approximatif du paternel, semblait coller aux Tontons), on tombe sur une comédie absurde où Lino Ventura...joue les nounous. Vous avez peut-être déjà vu Les Anges Gardiens (avec Christian Clavier et Gérard Depardieu) ? Les Tontons flingueurs y ressemble assez : un homme est recontacté par un vieil ami perdu de vue, sur le point de mourir, pour s'occuper de sa fille et de son magot convoité par des truands... Rien qu'avec la tête dépitée de Fernand (Lino Ventura) réduit à un rôle de Mary Poppins, on sait qu'on avait méjugé le film, et qu'on va finalement bien s'amuser. Mais voilà, le film met la barre de la comédie rapidement encore plus haut : lorsque Fernand rencontre les magouilleurs qui sont la bande "d'amis" du défunt, il se trompe de cible, il passe devant le groupuscule de truands cachés parmi les autres, pour aller chercher des noises à Raoul (Bertrand Blier) et Paul (Jean Lefebvre), et dès lors, à la moindre attaque du groupuscule sur l'un des deux camps, la réplique de l'autre part directement pour la poire de Ventura ou Blier. Bertrand Blier prend donc des patates sur le nez toutes les dix minutes, sans savoir pourquoi ("joyeux anniversaire...", ce qu'on a ri !), Jean Lefebvre tente d'éviter le revers en s'écrasant platement (on rigole encore), Lino Ventura s'énerve de devoir à la fois surveiller l'argent et tenir les rênes de la jeune fille qui voudrait se fiancer avec un jeune homme (pas question qu'elle épouse l'artiste), ce qui finit de nous achever pour quelques séquences hilarantes. Celle que l'on préfère est la dégustation d'alcool "vitriol" où toute la tablée finit complètement bourrée : Fernand mange ses propres sandwiches qu'il préparait pour la fête, Raoul pleure comme un bébé car il ne se rappelle plus d'une bête histoire à Saïgon, le notaire s'excite quand une jeune fille s'approche du magot, le serviteur et Lefebvre tentent de deviner ce qui se trouve dans la mixture, en s'essuyant le front plusieurs fois... On aurait aussi pu citer cette improbable scène où le père de l'artiste vient rendre visite à Fernand pour le féliciter
d'accepter le mariage
, mais tombe en pleine fusillade. Le père étant sourd et ne s'étant pas rendu compte des tirs qui pleuvent, Fernand le balade donc entre les balles tout en gardant une mine réjouie et en cachant en arrière-plan le serviteur qui ponctue de "fump fump" (au silencieux) chacune de ses phrases... On a vraiment bien rigolé, et clairement on ne s'y attendait pas. On est un peu moins fan de la petite musique célèbre qui déboule à l'improviste en plein gags, et fait un brin ringard (même pour l'époque), mais ce fétu de paille ne se remarque pas dans l'immense plaisir que toute la famille a pris devant Les Tontons flingueurs. N'allez pas lui dire, mais c'est le paternel qui avait raison.