Lorsqu'il se mit à tourner en parodie le film noir à la française, Georges Lautner créa dans les années 60 un genre nouveau appelé au succès, et dont les Tontons Flingueurs figure comme le classique des classiques. Qu'est-ce qui fait qu'après 50 ans, ce film aujourd'hui cultissime régale toujours autant par ses répliques inoubliables ? C'est justement ce dialogue fleuri d'Audiard inégalable, un mélange savoureux d'argot et de langage inventé qui enchante l'oreille et qui est ressassé en boucle sur Internet par les nouvelles générations. Phénomène intemporel qui séduit tout le monde. C'est aussi parce que cette série noire pas sérieuse a la force des meilleurs vaudevilles par son intrigue glissant des réalités du monde des truands vers le comique, et spécialement du monde du truand français et non de celui d'une imitation de polar américain. C'est encore et surtout grâce à une équipe de comédiens épatants qui décochent les répliques ciselées avec un naturel désarmant : Lino s'amuse dans un rôle à la Gabin, tandis que Francis Blanche, Blier, Dalban, Lefebvre et Rich sont tous excellents. S'y ajoutent des bourre-pifs mémorables, des bruits rigolos de silencieux typiques des films de Lautner, les "yes sir !" de Dalban, le jingle-banjo de Michel Magne... Mais c'est enfin pour une scène inoubliable qu'on adore les Tontons, et quelle scène ! Celle de la cuisine évidemment, qui fait entrer le film dans la légende. Pourquoi cette fameuse scène est-elle restée dans les mémoires plus que d'autres ? Lautner n'a jamais su l'expliquer lui-même. Probablement parce qu'elle est longue, qu'elle repose sur le jeu des acteurs, et que les répliques sont du meilleur tonneau. Et dire qu'elle faillit ne jamais exister, Audiard n'en voyait pas la nécessité, c'est Lautner qui a insisté ; mais le défi technique était de taille, vu l'exiguïté de la pièce, il fallait bouger la caméra délicatement... Et contrairement à l'idée reçue, rien ne fut improvisé, tout était écrit et méthodique, c'est un véritable feu d'artifice et on se régale d'entendre Blier ravaler péniblement en lâchant : "Faut r'connaître, c'est du brutal !", et plus loin, Lino qui renchérit : "Faut admettre que c'est quand même une boisson d'homme !"... Irrésistible. A consommer sans modération.