A revoir "Predator", le deuxième film de John McTiernan, on comprend de manière évidente pourquoi ce réalisateur aujourd'hui oublié a régné en maître durant une très courte décennie (de 1987 à 1995) sur le cinéma d'action hollywoodien qui était alors dans sa période de gloire, comptant sur des réalisateurs alliant talent et efficacité tels Paul Verhoeven, James Cameron, Tony Scott , Michael Mann, Michael Bay, Renny Harlin ou Philip Noyce. Quelques échecs à l'orée du nouveau siècle ajoutés à une sombre affaire d'écoute téléphoniques à l'encontre de son épouse et d'un producteur ont définitivement envoyé par le fond sa carrière après "Basic" (2003) alors que McTiernan n'avait que 52 ans et sans aucun doute de belles années devant lui, n'ayant que onze longs métrages à son actif. Juste après "Nomads", sollicité par Joe Silver et Arnold Schwarzenegger suite au renvoi du néo-zélandais Geoff Murphy, il surmonte hardiment son inexpérience pour venir à bout d'un projet compliqué lui intimant de diriger celui qui est alors en train de devenir le principal rival crédible de Sylvester Stallone dans le domaine du film d'action, tout en maitrisant les différents paramètres d'un tournage en décors naturels multiples avec effets spéciaux. A partir du scénario minimaliste des frères Thomas (Jim et James), John McTiernan réussit une sorte de mélange parfait entre "Rambo" et "Terminator". Commençant par poser solidement les bases forcément viriles inhérentes au film de commando avec la présence d'un casting de choix (Carl Weathers, Bill Duke, Jesse Ventura) auprès de l'ancien Mister Univers, Tiernan laisse tout d'abord à penser que la jungle environnante va bientôt ne plus être qu'odeur de napalm et amas de carcasses d'hélicoptères carbonisées. Effectivement l'équipe de mercenaires partie à la recherche d'un ministre guatémaltèque pris en otage n'entend pas s'attarder sur place, constatant que les ravisseurs particulièrement barbares ont dépecé des bérets verts envoyés avant eux pour la même mission. Insidieusement à partir du doute qui s'installe au sein du commando quant à la réalité de sa mission, le film change de tonalité. N'ayant jamais aucune cible visible en vue, les équipiers du major "Dutch" (Arnold Schwarzenegger) se demandent quel ennemi leur fait front. Le doute s'installe alors dans ces esprits et ces corps pourtant rompus au combat. Ce d'autant plus que quelques-uns commençant à perdre leur contrôle l'ont payé de leur vie en s'éloignant imprudemment du groupe. Symbole du point de rupture qui s'opère, une fusillade monstrueuse où le vidage complet des munitions dans un bruit d'enfer laisse la place à un silence de mort de mauvais présage. Le Predator que McTiernan avait malicieusement laissé dans l'ombre peut alors entrer en scène pour le duel final qui va opposer l'homme au guerrier venu d'une autre galaxie. Le débutant qu'est McTiernan ayant jusque-là fort bien manié ses effets pour maintenir le spectateur en haleine, s'improvise virtuose pour une seconde partie proprement hallucinante. Formidablement secondé par l'expérimenté Don McAlpine à la photographie, il livre une sorte d'opéra funeste dont la scène serait représentée par une jungle magnifiée à l'extrême un peu à la manière de Walter Spies (1895-1942) le peintre allemand devenu l'ami du grand Murnau lors du voyage de ce dernier à Bali pour le tournage de "Tabou" (1931). La créature au final assez peu visible s'avère tout à fait terrifiante et parfaitement crédible comme adversaire de choix pour un Arnold Schwarzenegger qui s'est donné à fond, conscient qu'il tenait là un rôle mythique. Palpitant malgré une intrigue sommaire, offrant des personnages parfaitement typés, graphiquement superbe mais aussi hypnotique dans son final, le film sera un réel succès que les studios tenteront en vain de transformer en franchise. L'acteur et son réalisateur se retrouveront six ans plus en choisissant de renverser la table avec l'incompris "Last action hero". John McTiernan retiré contre son gré des affaires représente encore aujourd'hui la volonté de démontrer que divertissement et ambition artistique ne sont pas forcément antinomiques.