"Huit heures de sursis" occupe une place particulière dans la filmographie de Carol Reed. C'est en effet ce film qui lui a permit d'ouvrir sa carrière à l'international. Après visionnage de cette oeuvre, ceci semble tout à fait légitime. Le spectateur est donc ici plongé en Irlande, au début du XXème siècle. Nous y découvrons des indépendantistes, qui, pour parvenir à frapper le gouvernement et se procurer des fonds, décident de braquer une banque. Seulement le braquage tourne mal et l'un des hommes, le superviseur du braquage, tue un caissier et est blessé dans la lutte. Touché à l'épaule, abandonné dans la poursuite par ses amis, cet homme n'aura d'autre choix que d'errer seul dans les rues de Belfast. C'est là la grande force du film. En effet, au lieu de se centrer sur le combat pour l'indépendance, Carol Reed décide de décrire la société et les hommes qui la composent durant la guerre. Ainsi, en compagnie du personnage principal, Johnny McQueen (immense James Mason), nous sommes amenés à rencontrer des personnes touchées en plein coeur par ce conflit. Tandis que certains aimeraient aider McQueen mais sont contraints de le voir partir en raison de la police qui est à ses trousses, d'autres profitent de lui, comme ce peintre, s'en servant de modèle alors qu'il est mourant devant lui. Cette galerie de personnage est filmée avec une grande élégance par Reed, qui nous dépeint un Belfast splendide de nuit, sous la pluie et la neige. De plus, la beauté de la mise en scène est renforcée par de superbes compositions signées William Alwyn. Les musiques accompagnent le spectateur dans cette oeuvre à la fois sombre, belle et tragique, portée par un James Mason superbe de retenue dans un rôle définitivement humain et désespéré. Ce film intense laisse entrevoir le chef d'oeuvre que sera, deux ans plus tard, "le troisième homme".