A l'occasion de la sortie d'Alice au Pays des Merveilles en 2010, plusieurs critiques négatives fleurissaient à l'égard d'un Tim Burton "vieillissant" dont l'univers baroque commençait à tourner en rond tel un serpent se mordant la queue. L'inspiration fantasque puisée dans un imaginaire opulent était devenu une formule désuète que le réalisateur s'imposait comme par automatisme sans retrouver la magie d’antan. C'est en ces mots que la pensée d'un bon nombre d'amateur et d'invétérés se résume concernant le tournant de la carrière de Burton que la majorité s'accorde à placer aux environs du milieu des années 2000, Big Fish s'imposant comme son dernier vrai film.
Suite au visionnage de Beetlejuice puis à une réflexion spontanée sur l'ensemble de l'oeuvre de l'atypique réalisateur, je m'oppose à ce jugement, puisque à l'inverse, je considère que dans sa démarche artistique, Burton a gagné en maturité depuis ses débuts (toutefois, je n'ai pas encore vu Alice au Pays des merveilles).
Certes, l'univers graphique et conceptuel de Burton n'a jamais vraiment évolué, si ce n'est au niveau des moyens utilisés; les bricolages amusants et les décors en carton-pâtes ayant laisser place à l'avalanche funeste du numérique. A ce niveau, le cinéma de ses débuts garde un charme certain. En revanche, le réel progrès de son cinéma se situe dans l'épuration des défauts inhérents aux Beetlejuice, et autres Edward aux mains d'Argent. Derrière la plupart des métrages du cinéaste, derrière toutes ces clowneries comiques, il demeure un constat amer de la société, de ses standards et son penchant pour l'uniformité.
Dans Beetlejuice, cette dénonciation du conformisme et de la pensée artificielle s'inscrit dans les faits et gestes de cette famille qui vient s'installer chez le couple défunt. Autant le père que la mère ne pense qu'à leur confort personnel, leur apparence et leur argent. Faire bonne figure devant les invités, refaire la déco pour être "in", monter un business sur les phénomènes paranormaux, tout cela Burton s'amuse à le pasticher afin de mieux le ridiculiser. A l'instar d'Edward, où le protagoniste était presque un autoportrait de Burton, c'est ici la jeune fille jouée par Winona Ryder qui prend ce rôle de personnage lugubre, incompris, vaguement autiste, mais lucide sur la réalité du monde qui l'entoure.
Ce sujet est un leitmotiv chez le réalisateur. Ed Wood l'autiste incompris, Mars Attack est la superficialité de la société américaine, Charlie le seul garçon capable de saisir la magie de la chocolaterie tandis que les autres américains moyens se font punir pour leur arrogance et leur piètre éducation, le Pingouin de Batman returns devient méchant par la faute de la société qui refuse de le considéré comme un être normal... Bref, rares sont les films de Burton échappant à cette règle.
Ce qui agace passablement, c'est la puérilité qu'il y a dans cette constante critique sans cesse enracinée dans l'exagération , l'impression de se trouver face aux délires d'un garçon en pleine crise d'adolescence, une éternelle victime révoltée contre une société qui l'opprime.
L'épuration du cinéma de Burton s'est faite à ce niveau là, cet anticonformisme primaire s'étant peu à peu dissipé en laissant plus de place aux drôleries étranges et à la magie de son univers.
Autre grosse faiblesse de Beetlejuice sur laquelle je ne vais pas m'attarder bien qu'elle soit finalement plus problématique que la précédente, l'humour ne fait quasiment jamais mouche. Sur ce point également, le cinéaste s'est beaucoup amélioré.