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soniadidierkmurgia
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3,0
Publiée le 18 février 2014
Cinéaste inclassable, Alexandre Astruc est aujourd'hui un peu oublié. Ce film sur une femme qui lâche la proie pour l'ombre à force d'hésitations entre son envie d'indépendance et son besoin de reconnaissance dans les yeux de l'homme qu'elle aime, est assez typique des interrogations qui avant d'irriguer le peuple commencent à tarauder la bourgeoise en cette fin des années cinquante. Le cinéma d'Astruc à l'apparence un peu papier glacé, aurait peu de chance d'émouvoir de nos jours tant ces états d'âme d'une grande bourgeoise qui passe ses journées à s'émouvoir de sa pauvre condition paraîtraient déplacés alors que la crise frappe depuis plus de trente ans. "La proie pour l'ombre" est donc typiquement un film du mitan des trente glorieuses après que la reconstruction soit passée et qu'une bourgeoisie rassérénée dans son statut commence à voir poindre l'ennui et son cortège de questions existentielles. On se délecte des conversations de salon où Daniel Gélin impeccable en mari macho, grand seigneur se gausse du combat féministe dont il met en exergue les contradictions fort bien représentées il faut le dire par une Annie Girardot qui clame à tous vents sa volonté d'exister par elle-même, mais qui demande à son cher et tendre qu'elle cocufie ouvertement de lui offrir les moyens de son indépendance. Le duo d'acteurs auquel se joint un Christian Marquand très convaincant parvient à transcender de jolie manière la vacuité qui parfois envahit le récit. Astruc c'est un peu comme de l'Antonioni sans la poésie ni le lyrisme.
Alexandre Astruc est l’archétype du réalisateur sur estimé. D’une filmographie très moyenne, n’en déplaise à ses amis critiques, se dégage « La proie pour l’ombre » , adapté du roman de Françoise Sagan, superficielle bourgeoise fascinée par ce qui brille et les voitures rapides, comme celle d’Anna, le personnage central. Bourgeoise cultivée, dirigeant une galerie d’art et mariée à un architecte en vogue, elle s’éprend du directeur artistique d’une maison de disque. Furieusement pré Lelouche et les amours adultères ratés de bourgeois s’occupant dans des métiers branchés. Néanmoins le mérite d’Astruc réside dans le développement paradoxal des aspirations de la dame pour se libérer du carcan marital. Pour filer le parfait amour avec son amant elle obtient que son mari, cocufié ouvertement, lui cède avec une certaine largesse, les parts (majoritaires) de la galerie d’art qu’elle dirige. Cette limite ironique du discours féministe passerait sans doute assez mal aujourd’hui, même s’il est rattrapé par une fin du style « les hommes, tous des salauds ». Avec une absence de discours social, ce scénario de roman photo ne mérite même pas la moyenne (c’est du Sagan !!!). Heureusement la mise en scène est suffisamment élégante et précise, notamment certains plans avec Girardot illustrent avec douceur sa tristesse existentielle, pour s’extraire de la médiocrité du récit et la direction d’acteur rend les dialogues d’Alexandre Astruc et Claude Brulé crédibles. Annie Girardot, Daniel Gélin et Christian Marquand sont convainquant.
Troisième long-métrage après "Les mauvaises rencontres" (1955) et "Une vie" (1958) du réalisateur disparu en 2016, "La proie pour l’ombre est un beau film méconnu. Toute la magie du cinéma français, lorsqu’il sait explorer les sentiments, se déploie ici tout en sous-entendus, en demi-teintes mais aussi avec cette part de violence propre aux explorateurs de l’âme humaine. Nous suivons le parcours d’Anna (remarquablement interprétée par Annie Girardot qui trouve ici l’un se ses rôles les plus bouleversants), une femme parvenue à la maturité souffrant d’un mari autoritaire et indifférent à ses désirs. Elle lui préfère un amant (Christian Marquand) plus à l’écoute en apparence mais qui s’avère vite égoïste et incapable de s’engager vraiment. Portrait d’une femme du début des années 60 où la plupart des femmes sont encore dépendantes de leur mari et où le divorce est encore un tabou ; combat pour sortir du joug patriarcal et exister en tant que femme face à l’autoritarisme, l’incompréhension voire l’humiliation. Anna tient une galerie de peinture moderne ce qui suscite le dénigrement de son mari promoteur immobilier, campé par un Daniel Gélin cynique à souhaits. Les hommes n’ont pas la part belle dans le film. Ils sont les victimes de leurs abus de pouvoir, de leur oisiveté et de leur incapacité à aimer. Anna se désagrège de l’intérieur, brisée dans ses élans pour tenter de construire un itinéraire personnel, pour donner un sens à son existence. « J’aurais tellement voulu ne plus dépendre de personne, dit-elle à son amant. Pas seulement matériellement, tu ne sais pas ce que c’est toi de rendre des comptes et de n’avoir rien à soi… sous prétexte que c’est comme ça depuis toujours, sous prétexte qu’on est une femme. J’aurais tellement voulu être quelque chose, au moins une fois, être moi. »
La force du film réside dans l’approche du personnage d’Anna que la caméra approche avec une extrême délicatesse, l’art d’Astruc étant de saisir ce qui trouble et ce qui oppose de par un astucieux choix de cadrages tout en travellings subtils. C’est aussi la fin d’un monde que le cinéaste nous dépeint, filmant une société qui change (les vieux faubourgs de banlieue qu’on détruit pour faire place aux grands ensembles en construction), monde qui meurt et s’émancipe en même temps. Le film est résumé dans la scène où Anna vient sur un chantier voir son mari et découvre une sculpture en plâtre dans les décombres d’une vieille bâtisse. Il la rabroue une fois de plus en lui signifiant qu’elle gagnerait finalement plus à vendre des antiquités que des peintures modernes. Anna lui répond : « C’est une très bonne idée, comme ça on se complèterait. Je vendrais ce que tu démolis ».
Film féminin très proche d’Antonioni "La proie pour l’ombre", dans un beau cinémascope noir et blanc, est passionnant d’un bout à l’autre et surprend de par sa modernité et sa force. Tourné en pleine Nouvelle Vague et dressant un constat terrible d’une société en mutation, il est l’un des grands oubliés du cinéma français.
La femme, le mari, l'amant, tels sonts les protagonistes classiques de ce drame dont l'intrigue est pourtant moins une affaire d'adultère qu'une histoire d'émancipation. Mariée à une entrepreneur vulgaire et phallocrate, Anna console sa solitude dans les bras d'un autre homme, celui-ci plein de sollicitude. Elle dirige par ailleurs une galerie de peinture qui constitue, dans son existence morne de bourgeoise, sa seule façon d'exister entre deux hommes qui, chacun à sa manière, cherchent à la dominer, à l'enfermer dans son rôle de bourgeoise ou d'amante. L'héroine d'Alexandre Astruc rappellent celles des Balzac ou la Jeanne de Maupassant ("Une vie", d'ailleurs adaptée en 1958 par Astruc) dans le registre de la femme délaissée, déçue et incomprise. Le personnage d'annie Girardot incarne la femme qui veut s'affirmer, créer. Anna ne trouve aucun soutien tant le rôle d'épouse, dans la bourgeoisie des années 50-60 comme en d'autres temps, est méprisé. spoiler: Même l'amant, apparemment si compréhensif, ne saura lui accorder sa liberté alors que l'époux, une fois quitté, saura de façon inattendue se montrer généreux. Lâcher la proie pour l'ombre sera alors le constat amer fait par Anna. Le sujet est intéressant mais Astruc, cousin de la Nouvelle Vague, sous prétexte de chercher la "vraie" vérité, met en scène un film froid et un peu molasson, des acteurs pas très bien dirigés (Christian Marquand fait un amant bien terne) et ses dialogues sont parfois maladroits, sentencieux.