Fort du succès de son dernier long-métrage Le Petit Dinosaure et la Vallée des merveilles, Don Bluth et son fidèle acolyte Gary Goldman donnèrent naissance un an plus tard à Charlie, mon Héros, mettant en scène une bande de chiens un peu crapules, ainsi qu'une jeune orpheline capable de parler aux animaux. Mais à sa sortie en 1989, le film se heurta à une concurrence féroce de la part des studios Disney avec La Petite Sirène, qui marque une véritable renaissance pour la firme aux grandes oreilles. Conséquence: un succès assez discret au box-office pour Charlie, bien que celui-ci rencontra finalement la reconnaissance méritée lors de sa sortie en vidéo. Car derrière son titre français un peu bateau, on découvre finalement en Charlie, mon héros une originalité assez insoupçonnée, tant dans la manière dont y est dépeinte la vie, l'ambiance générale, que dans le caractère de ses personnages. Charlie lui-même d'ailleurs apparaît en premier temps plus comme un anti-héros que comme un modèle de vertu. Roublard, voleur et même manipulateur, le canidé semble n'être intéressé que par l'appât du gain, se servant des facultés d'Anne-Marie pour gagner des paris, sans se soucier du besoin de stabilité familiale de la jeune orpheline. Si Charlie reste un clébard sympathique qui va finir par emprunter le droit chemin en se prenant d'affection pour la petite, Don Bluth fait ici preuve de subtilité en nuançant son personnage principal, s'éloignant ainsi du manichéisme exacerbé souvent présent dans les productions pour enfants. Les thèmes rencontrés au cour du récit sortent également des sentiers battus, plus sérieux que de coutume. Ainsi, en plus des thèmes de l'amitié et la fraternité, chers au réalisateur, sont abordés ceux de la mort, de la vengeance, de la rédemption, du profit personnel... Assez rare également pour un dessin animé de mettre autant en avant certains vices, celui de la luxure bien sûr mais aussi celui de l'alcool, à l'image d'une scène où Charlie est complètement beurré. Le ton sombre des couleurs et les décors vont également dans le sens d'une ambiance crapuleuse, immorale, où les jeux et les paris sportifs s'accompagnent de quelques bières et d'un peu de tricherie. Quelques grossièretés surprenantes pointent également le bout d'leur nez, même si ça reste léger et acceptable pour un jeune public. Car ne vous y trompez pas, Charlie mon héros demeure un film pour enfant malgré tout, tantôt morose tantôt jovial, avec de l'humour, de la tendresse, des morales gentillettes pas vraiment inédites (l'importance de partager, de se soucier des autres et de ne pas être égoïste), ainsi que quelques chansons réussies. Le rythme y est efficace, les dessins soignés, sans oublier la qualité du doublage français, avec en tête l'excellent Richard Darbois pour la voix de Charlie, et Jacques Frantz (doubleur de Robert De Niro, Mel Gibson) pour Gratouille, le teckel soucieux et attachant. Si le film n'est pas épargner par quelques clichés (le gros vilain de l'histoire est un pitbull), la scène finale surprend elle par sa force dramatique, ne ménageant aucunement le spectateur qui, selon son degré de sensibilité, n'aura plus qu'à aller se morfondre dans un paquet de kleenex. En conclusion, Don Bluth, ex-dessinateur de l'écurie Disney, signe ici un dessin animé trépidant et pas si conventionnel que ça, qui parviendra à séduire autant les chérubins que leurs parents, chacun pouvant en faire une lecture différente. A voir ou à revoir.