C'est un peu par hasard que Laura, une femme mariée, rencontre Alec un médecin lui aussi marié et c'est à nouveau par hasard qu'ils vont se retrouver quelques jours plus tard. Peu à peu, ils vont sympathiser puis ressentir des sentiments de plus en plus profonds...
Après m'avoir subjugué lorsqu'il était roi d'Hollywood, notamment avec Docteur Jivago ou La Fille de Ryan, je commençais peu à peu à être sous le charme du David Lean anglais, mais rien de comparable à l'immense Brève Rencontre, somptueux et bouleversant mélodrame qu'il met en scène après les deux belles réussites que sont Heureux Mortels et L'esprit s'amuse. Raconté en flash-back, il nous immerge au cœur de la vie de cette jeune femme mariée, personnage ordinaire parmi tant d'autres qui va voir son histoire commencer au milieu d'une foule dans la gare. À nouveau adapté d'une pièce de théâtre de Noël Coward, il bénéficie d'une excellente qualité d'écriture, notamment dans la consistance des personnages, mais cette pièce, il fait plus que l'adapter, il se l'approprie et l'arrange à sa façon.
C'est avec autant de sobriété que de talent que Lean fait ressortir toute l'émotion de son récit et de ses protagonistes. Dès les premières secondes il nous intéresse et attache aux destins de ces deux personnages qui vont, le temps d'un moment, s'échapper d'un quotidien qui ne leur allait pas pour vivre un immense bonheur qu'ils doivent pourtant cacher. Il nous fait sentir au plus près d'eux, donnant ainsi de la force à leurs dilemmes et choix. Le film prend tour à tour une dimension lyrique, magique et bouleversante, c'est juste magnifique tant Lean sublime cette histoire simple pour en fait ressortir toute la puissance mais surtout l'émotion. Ici pas de politique, pas de guerre (elle n'était pas terminée lorsqu'il tourne le film), pas de personnages particuliers, mais une histoire normale et sincère où la passion entre deux êtres va peu à peu prendre le dessus et chercher à éviter tout obstacle. Dans le même temps, il y a les mœurs alors en place dans cette société, tout comme son hypocrisie, et cela, Lean ne se gêne pas pour subtilement le critiquer.
Sobre derrière la caméra, il reste braquer tout le long sur les deux personnages et en fait ressortir toute l'ambiguïté et la dramaturgie. Le cadre est bien choisi et chaque scène est sublimée par sa maîtrise, à l'image du final ou des séquences sur le quai de la gare, ainsi que sa science du détail. Fini le technicolor de ses deux premiers films, ici c'est une photographie en noir et blanc et elle est superbe, adéquate au récit et bien utilisée par Lean. Le montage de ce dernier est là aussi ingénieux, il orchestre son récit avec talent et montre bien l'amour naissant avant que les dilemmes moraux et cruels n'apparaissent. Les interprètes sont pour beaucoup dans la réussite du film, Celia Johnson, noyée dans sa tristesse, est bouleversante tandis que Trevor Howard est impeccable.
C'est noyé dans l'émotion que l'on sort de Brève Rencontre, oeuvre lyrique et bouleversante où Lean met en scène un intense amour, quelques instants de bonheurs au cœur d'une vie trop terne. Somptueux et magnifique.