Voilà un projet comme on aimerait en voir plus souvent. "Across the universe" tient à la fois du road-movie, du film romantique, de guerre et d'époque. Mais surtout, et bien sûr cela constitue l'intérêt principal du film (honteusement distribué sur 9 copies en France), c'est que sa belle histoire est conté sous la forme d'une comédie musicale, et plus encore, sur le son du mythe transgénérationnel des 60's, les Beatles. 33 chansons (on n'ose imaginer le coût des royalties), toutes réarrangés de façon personnelle, chantées en temps réel par des acteurs quasi-inconnus du grand public. Le projet a dû effrayer bien des producteurs. Grâce à l'inventive Julie Taymor (dont "Across..." est seulement le troisième film), il dépasse le stade de la "fausse-bonne idée", et devient même un pur moment de bonheur. Évitant des pièges qui lui tendaient les bras (ajouter aux personnages une dégaine "beatle", multiplier les scènes de drogues), la réalisatrice fabrique une épopée sublime et légère (en apesenteur, comme chez Demy) aux thèmes pourtant graves. On s'en demanderait comment elle arrive à ce tour de force. Deux heures de clips, mais quels clips! L'entreprise fonctionne sans doute mieux avec les musiques des Beatles qu'avec des titres écrits pour l'occasion, car toutes les mélodies nous sont familières. Chaque chanson trouve l'illustration adéquate, fourmillant de trouvailles gondriesques, avec une vraie solidité de mise en scène. Plus que cinématographique, ses références sont picturales, aidée à la photo par Bruno Delbonnel. Jamais on ne se dit "trop de chansons tuent la chanson", rarement les chorégraphies, même les plus psychédéliques ("For the benefite of Mr. Kite" et "I'm the walrus", deux sommets de pop art), agacent. Le scénario et la reconstitution ne sont pourtant pas sacrifiés, loin de là ; l'histoire fourmille de sous-intrigues et de personnages symboliques. Presque un demi-siècle plus tard, les quatre garçons dans le vent n'ont pas finit de nous surprendre.