Willard
Un film de Glen Morgan
Ambiance oppressante pour cette histoire déjà portée à l’écran il y a une bonne trentaine d’année par Daniel Mann. Sur son propre scénario –tiré du roman éponyme de Stephen Gilbert- Glen Morgan a bâti un univers progressivement étouffant, à la fois cynique et drolatique.
Pour remplacer Bruce Davison, qui incarnait en 1971 le héros du film –Willard- et que l’on remarque sur de nombreux tableaux et autres photographies, Glen Morgan a réussi un petit coup d’éclat. Son ingénieuse trouvaille a en effet été de s’adjoindre les services du génial Crispin Glover.
Indéniablement trop rare dans nos salles obscures, Crispin Glover donne à son personnage la touche de folie qui lui est propre. Aperçu il y a une quinzaine d’année dans le Retour vers le Futur de Robert Zemeckis –il interprétait le père timoré et alors jeune de Michael J. Fox, alias Marty MacFly- le comédien a été aperçu plus récemment sur nos écrans sous les traits de l’infâme Sac d’os, ce mystérieux individu qui évoluait dans le sillage glamour du Charlie et ses Droles de Dames, version MacG.
Dans Willard, Crispin Glover se met dans la peau d’un trentenaire décalé qui vit dans une sinistre masure avec une bien acariâtre maman. Mal à l’aise en société, brimé par son supérieur et tyrannisé par une mère comme on n’en voit qu’au cinéma, Willard est un être torturé et introverti. Il ne semble avoir sa place nulle part, tant sa personnalité et son apparence paraissent en décalage avec le monde qui l’entoure. Mais Willard a un secret, un étonnant secret. Il a des amis, beaucoup d’amis, mais d’un genre bien particulier.
Suite à un regain d’activité du secteur de la construction immobilière dans son quartier, les rats et les souris du voisinage se sont réfugiés dans son sous-sol. Tous les rats et toutes les souris. C’est-à-dire que des dizaines, puis des centaines de rats ont élu domicile dans la cave obscure de la demeure familiale. Avec ses nouveaux locataires, Willard nouera des liens particuliers, allant même jusqu’à se faire comprendre par eux. Mais ce sera surtout avec deux d’entre-eux que l’étrange jeune homme établira des rapports plus complexes. D’abord avec Socrate, une petite souris blanche « pacifique », qui deviendra son animal de compagnie puis son ami à temps plein. Et ensuite avec Ben, un rat aussi imposant que maléfique. Avec ce dernier, Willard ne cessera d’être en conflit. Le combat pour la prise du pouvoir au sein du groupe sera d’ailleurs fascinant.
En tournant Willard, Glen Morgan a voulu créer une atmosphère glauque, sordide. La sombre et imposante bâtisse qu’habitent Willard et sa mère va dans ce sens, ainsi que la psychologie ô combien torturée du personnage principal. Si l’on y ajoute des mouvements de caméra qui mettent en relief la menace que représente l’invasion des rats en amplifiant son caractère furtif, on obtient le résultat escompté, un contexte résolument fantastique.
Après une mise en route plutôt lente, les pièces de l’engrenage se mettent en place. Willard va utiliser ses hordes de nouveaux compagnons pour répondre aux agressions dont il est la victime. Son patron en fera les frais, bientôt dépassé par une escalade de violence qu’il aura contribué à créer. Plus tard, le duel changera d’orientation, pour s’articuler autour de Ben et de Willard. Celui-ci, recouvrant un semblant de lucidité malgré sa névrose, se rendra compte qu’on ne se défait pas aussi facilement d’une espèce aussi débrouillarde, et qu’il ne peut être question de la trahir.
Au final, on retiendra de Willard l’interprétation intense de Crispin Glover, et le côté insidieux d’une menace à la fois omniprésente et furtive. En somme, une bonne alternative aux films pour amateurs de petites bêtes velues qui grouillent un peu partout.