Je ne fais sans doute pas partie de ceux qui ont grandi avec Mary Poppins et ce pour deux raisons : d’une part, parce que je trouvais l’histoire absurde quand j’étais enfant (pourquoi cet homme rigole au plafond, pourquoi les enfants sautent-ils dans un dessin, mais ça n’a aucun sens ?!), d’autre part parce que j’avais très (très) peur des banquiers de la Fidelity Fiduciary Bank qui chantent des chansons à la fin du film. Je les trouvais méchants et terrifiants.
Après avoir vu, et vraiment apprécié le film Saving Mr Bank qui raconte la genèse de Mary Poppins, j’ai décidé de me replonger dans ce classique que je n’ai pas vu depuis, je pense, une quinzaine d’années.
J’ai redécouvert ce film que je ne comprenais ni ne savais apprécier lorsque j’étais petite. Le recul et l’âge permettent de voir différemment les personnages qui sont finalement tous imparfaits à leur manière. Jane et Michael vivent assez seuls, car leur père est toujours plongé dans son travail ou ne semble guère souhaiter leur présence, et leur mère bien qu’aimante, est si occupée par son rôle de suffragette qu’elle en devient presque négligente. Mary Poppins a ici un rôle à jouer pour réunir cette famille qui se délite lentement, et plus que les enfants, c’est surtout leur père qu’elle ramène dans le droit chemin.
De plus, il est intéressant de constater que Mary Poppins elle-même n’est pas parfaite. Autoritaire, elle devient parfois déroutante (en niant dès le soir venu avoir passé l’après midi avec les enfants dans la peinture de Bert) et en se révélant parfois autoritaire et presque froide (« Vous nous aimez, n’est ce pas, Mary Poppins ? » « Je me demanderais ce qui se passerait si je me mettais à aimer tous les enfants à qui j’ai dit au revoir. »). Le film tente d’ailleurs d’adoucir cet aspect froid du personnage (et initialement voulu par l’auteure) en créant une scène où la canne-perroquet de Mary Poppins (qui parle, oui, oui, oui) lui déclare : « Tu ne me tromperas pas, je sais exactement tes sentiments à l’égard de ces enfants. »
La poésie de ce film s’appuie naturellement également sur les chansons. Plus que les biens connues « Supercalifragilisticexpialidocious » ou « Juste un morceau de sucre (qui aide la médicine à couler) » ce sont surtout les berceuses que j’aime énormément : la chanson des oiseaux ainsi que la berceuse que Mary Poppins chante aux enfants après qu’ils aient déclaré qu’ils refusent de dormir.
Concernant le jeu des acteurs, Julie Andrews donne à Mary Poppins un côté espiègle et charmeur, la rendant ainsi attachante malgré l'autorité du personnage et lui donnant un « coup de jeune » (elle a 29 ans quand le film sort) malgré les critiques de l’auteure de Mary Poppins qui la trouve trop jeune pour le rôle. Dick Van Dyke, bien que dans la démesure, est également très attachant dans le personnage de Bert le ramoneur, éternel optimiste qui déclare « qu’il aime ce qu’il fait car il ne fait que ce qu’il aime. » Glynis Johns campe une mère-enfant légère et presque frivole mais néanmoins amusante, et David Tomlinson est également bon en père de famille trop autoritaire et centré sur son travail.
Ces quatre bons acteurs sont cependant flanqués de deux boulets : les enfants. On peut difficilement en vouloir aux deux jeunes acteurs : ils jouent ce qu’on leur demande, et on ne leur demande pas grand chose. Jane et Michael ne sont en rien attachants parce qu’ils sont trop lisses : à peine une remarque de temps en temps, ils n’ont pas beaucoup de dialogues et leurs scènes sont généralement superficielles. On comprend qu'ils préfèrent Mary Poppins qui fait des jeux et de la magie à leurs précédentes nourrices, mais ça s'arrête là. Ils sont mignons mais n’apportent rien, or c’est leur solitude et leur méchanceté qui font fuir leurs précédentes nurses et qui sont censées faire venir Mary Poppins, on aimerait donc y croire un peu plus. Même la fratrie Von Trapp de La Mélodie du Bonheur a l’air plus difficile à gérer, c’est dire.
Le film permet finalement à la famille d’être enfin réunie grâce à Mary Poppins. Tout en ayant déclenché l’événement qui a fait perdre son emploi à Mr Banks (en prétendant avoir compris qu’il souhaitait emmener à la banque avec lui), elle lui permet finalement de prendre du recul sur sa situation et de se rapprocher de ses enfants. La mort (de rire) du patriarche de la banque laisse une place d’associé que les banquiers proposent à Banks lorsqu’il les croisent en train de faire du cerf-volant (oui je sais, écrit, ça a l’air absurde).
A la fin du film, rien n’a changé, si ce n’est que le passage de Mary Poppins a permis à George Banks de prendre du recul sur sa situation : il travaille toujours à la banque mais il semble désormais heureux de rentrer chez lui et de passer du temps avec ses enfants, qui n’étaient finalement méchants que parce qu’ils étaient seuls. Il a également trouvé une certaine fantaisie, puisqu’il répare le cerf-volant, chante, et va même jusqu’à raconter une blague aux banquiers.
Je n’ai jamais été une très grande fan de Mary Poppins, car les nombreuses aventures rocambolesques des enfants ne me touchent pas (et les enfants non plus, d'ailleurs), moi qui aime pourtant beaucoup les contes. Je reconnais cependant la beauté et la poésie du film et des chansons qui crée un univers musical réellement original et abouti (et puis j’aime bien les deux marins qui vivent près du 17, allée des cerisiers).
A voir car c’est un classique plein de poésie et de charme, qu’on apprécie ou non la célèbre gouvernante.