Un bon film d'action, porté par un bon scénario, de bons acteurs et de bonnes scènes d'action. L'aventurier Allan Quatermain dirige la Ligue des Gentlemen Extraordinaires, association de sept super-héros légendaires, comprenant le mystérieux Capitaine Nemo, la femme vampire Mina Harker, l'invisible Rodney Skinner, le jeune et intrépide agent secret américain Tom Sawyer, l'inaltérable Dorian Gray et l'inquiétant duo Jekyll/Hyde. Venus des horizons les plus divers, les membres de la Ligue sont de farouches individualistes, des exclus au passé ténébreux et agité, dont les facultés hors normes constituent à la fois un atout et une malédiction. Réunis dans des circonstances exceptionnelles, ils doivent en peu de temps nouer des rapports de confiance, et apprendre à fonctionner en équipe. Après avoir embarqué à bord du Nautilus, ils gagnent Venise, où leur adversaire, le diabolique Fantôme, se prépare à saboter une conférence réunissant les plus grands chefs d'Etat. Embarrassant cas de figure pour le critiquer, "La Ligue des Gentlemen Extraordinaires" fait partie de ces films qui souffrent d'une dichotomie gênante entre choses d'excellente facture et d'autres beaucoup moins intéressantes. Basé sur une œuvre récente et déjà culte d'Alan Moore (qui fut déjà adapté via le raté mais curieux "From Hell", spéculant sur l'identité de Jack l'éventreur), toute la force du film réside dans une puissante identité visuelle (parfois gâchée par l'insuffisant budget alloué au département des effets spéciaux). L'histoire raconte les aventures de personnages hors du commun tirés de la littérature d'aventure de la fin du XIXème siècle. Ainsi, nous retrouvons Sean Connery en Alan Quatermain ou Stuart Townsend en Dorian Gray. D'autres protagonistes répondent à l'appel, tels qu'un Dr Jekyll mal accompagné, un Tom Sawyer loin de l'Amérique et des bords du Mississippi, ou une Mina Harker vampirique, rescapée de ses affaires draculéennes. A priori, adapter le roman graphique de Moore pouvait relever de la gageure. Film particulièrement sombre et adulte, mêlant mythologie moderne et audaces visuelles, le récit se distingue par un romantisme amer, une violence outrée et un lyrisme propre à l'Angleterre victorienne. A posteriori, le pari semble gagné, du moins en partie. Si une édulcoration du récit était inévitable, on justifiera plus difficilement les extrapolations et les rajouts que le scénariste a semés dans le terreau d'origine. De l'ajout douteux de personnages à la modification du rôle et de la psychologie de certains autres, les trahisons ne manquent pas. Mina Harker ou le capitaine Nemo deviennent de pâles figures réduites à la simple fonction de leur originalité. La femme n'est plus qu'une créature de la nuit et se voit destituée de son rôle de leader de la Ligue au profit de Quatermain, alors que le trouble indien Nemo perd son imposante carrure, son mystère et sa cruauté. Il est aussi difficile de pardonner l'ajout impromptu d'un Tom Sawyer totalement inutile, ne servant qu'à fédérer un public américain supposé rétif aux charmes de la vieille Europe. Sans oublier Dorian Gray, absent de l'œuvre de Moore, mais dont le charme, la stature et les talents apportent une certaine classe supplémentaire. Cependant l'échec majeur du film se situe dans la structure même de la narration. Les péripéties, pour être excitantes, n'en demeurent pas moins convenues et mal amenées. Le film passe de rebondissements en déconvenues sans prendre le temps de soigner les transitions, transformant le cachet bis de l'aventure en fouillis dramatique. Les rares thèmes sont réduits à l'état d'ébauches malhabiles et caricaturales (particulièrement dans la relation père/fils spirituel, vue et revue entre Quatermain et Tom Sawyer). Mais l'idée de base servant au scénario est fabuleuse. Utiliser toutes les grandes figures de la littérature populaire anglo-saxonne du 19ème siècle pour les réinjecter dans une réalité paradoxale reste un grand moment. De plus le choix des personnages s'avère particulièrement judicieux, car leur antagonisme et leur part d'ombre ressortent à chaque instant. Ainsi en tête de liste on trouve Alan Quartermain, l'homme invisible, le docteur Jekyll, le capitaine Nemo, Mina Harker, Tom Sawyer et Dorian Gray. Tous ces personnages, campés ici à l'écran par des acteurs plus ou moins connus, ressortent parfaitement et leurs caractéristiques principales atteignent rapidement le spectateur. Mais il y a un point sur lequel le bât blesse, car même si tous sont parfaitement respectés, il semble manquer au film une profondeur permettant de créer un univers crédible autour de ces héros. Leur présentation, bien que durant plus de 40 minutes, apparaît comme bâclée, et leurs réactions semblent bien trop souvent volontairement simplifiées par les scénaristes, comme si une fois de plus ils se devaient de rentrer dans le moule des films de super-héros hollywoodiens. Une grave erreur qui nuit énormément à un film plein de moments de grâce. Car au-delà des défauts nommés auparavant, ce film reste un film avec un style propre, très métallisé. La majeure partie des décors sortent tout droit des grands classiques de Jules Verne (le Nautilus, les armes automatiques ou la voiture), utilisant un genre rétro futuriste, où les anachronismes abondent, mais dans le même esprit que la présence de ces héros de littérature, c'est à dire avec cohérence mais superficialité. Il est rageant d'ailleurs de voir que les meilleures idées de ce film restent lettre morte tellement le réalisateur et les scénaristes imposent un rythme effréné au long-métrage. Car les décors en images de synthèses et certaines scènes d'action auraient pu être plus développées, sans pour autant porter préjudice au film, tellement le matériau de départ paraissait vaste et porté par notre imaginaire. D'autre part le montage très rapide du film laisse entrevoir que celui-ci devait être plus long au départ. Donc au final, un film aux promesses non tenues alors que l'idée de départ et les possibilités étaient fastueuses. A sauver : des décors et des effets spéciaux très réussis (le Mister Hyde est terrifiant). C’est peu mais déjà pas mal. Une fois passée la désagréable et brouillonne impression laissée par l'intrigue trop plate, "La Ligue des Gentlemen Extraordinaires" peut séduire grâce au soin particulier apporté au design d'inspiration Art Déco. Conséquence directe de la première révolution industrielle, les objets, les costumes et décors du film sont issus de l'heureux mariage du fer forgé et du bois. Mélange rustique d'ancien et de moderne, aspiration au futurisme, c'est l'esprit de H.G. Wells et de Jules Verne qui pulse dans ces veines. Alors, malgré son aspect épisodiquement cheap, le film devient la plus belle illustration des délires du dessinateur de l'œuvre, Kevin O'Neil. Et si, à l'instar de "X-Men 2", certains personnages sont sous-traités, d'autres, dont le Dr Jekyll (employant le numéro en vogue des miroirs schizophrènes), apportent au film la touche salvatrice de valeur ajoutée qui l'empêche définitivement de sombrer dans l'oubli. Si "La Ligue des Gentlemen Extraordinaires" ne sera pas celle des champions, elle a déjà remporté le match de l'été au cours duquel ce film est sorti, et ce film reste vraiment un bon film d'action