Le dernier long-métrage de Risi est comme un au revoir qu'il nous adresse. "Tolgo il disturbo" : je vous épargne le dérangement, s'excuse le titre, comme si le réalisateur regrettait quelque chose. De parler de vieillesse, peut-être ? De trahir une audience qu'il a si longtemps divertie en lui proposant en un film plus de sujets, moins de rire mais toujours autant de psychologie ?
Ce n'est pas moi qui lui tiendrai rigueur d'avoir pour une fois privilégié l'attendrissement sur la caricature, et Valse d'amour n'a rien d'un film qui radote. Il est habité, en fait, de la même lumière de sagesse nostalgique qui baigne Les Feux de la Rampe de Chaplin : l'aura d'un ultime effort mais aussi celle d'un homme qui lâche enfin prise et parle avec son cœur depuis longtemps mis de côté.
Cette aura, Gassman l'a ressentie aussi : son rôle de grand-père cyclothymique en regorge et son image donne puissamment la vie à ce qui n'aurait été sinon qu'idée chez Risi. Pourtant ça démarrait mal, avec sa vision démodée de la folie et une post-synchronisation négligeante qui donnent au film ce côté croquis de l'ancienne Cinecittà. Mais ce ne sont que les signes du passage d'un artiste qui a des choses à dire : attendrissement, vieillesse et folie, mais aussi amour. Celui, impossible, qui unit le grand-père et la petite-fille, et qui donne sa cohésion à tout ce que le film contenait jusque là sans faire de distinction entre l'utile et le dispensable.
On ne le sent pas venir, ce chapitre perdu de Lolita. À le découvrir, on a vite envie de crier à l'immoralité, que la folie et la vieillesse ne doivent pas être les prétextes à parler d'un tabou et des controverses qui vont avec. Mais le vieux grigou n'a pas perdu ses réflexes de psychologue et ne fait que poser avec douceur des questionnements moraux insolubles, comme de se demander jusqu'où la sénilité justifie l'attachement d'un homme seul et fatigué pour sa petite-fille. Est-il cruel ou raisonnable de la lui enlever ? Les deux ? Pourtant n'assiste-t-on pas simplement à la rencontre de deux innocences à chacune des extrémités de la vie : une qui est retrouvée dans la vieillesse, et une autre qui ne s'est pas encore dissipée dans la jeunesse ?
Peut-être Risi s'excusait-il de poser la question, ou de ne pas la trancher ; mais en faisant ainsi, il s'abandonne complètement au cinéma pour la dernière fois et pose pour moi le point final d'une carrière où divertissement et études sociales se sont presque toujours admirablement mêlés. Arrivederci, maestro.
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