Le film s'ouvre sur une scène plutôt anodine. Des enfants sont en train de jouer à un jeu , ayant pour propos un tueur qui élimine ses victimes qui renvoie directement au sujet du film et à son universalité. La caméra est en plongée et on s'aperçoit que les enfants se sont placés de telle sorte à former une pendule (la petite fille du milieu qui élimine ses camarades étant les aiguilles). Fritz Lang aborde donc dès son premier plan un thème qui s'avérera récurent au film : celui du temps. Il est en effet intéressant de constater à quel point la notion de l'heure revient dans ce film, parfois de façon anecdotique ou importante. M le Maudit étant principalement un véritable questionnement sur la société , le réalisateur allemand a sûrement dû vouloir montrer la dimension qu'a pris ce concept dans la civilisation du XXe siècle, et ce depuis les différentes révolutions industrielles.
M le Maudit est un film découpé en trois parties. On se focalise tout d'abord sur le point de vu de la population, qui a affaire à un pédophile meurtrier. Le moment emblématique de ce début de film met en scène une petite fille qui vient demander l'heure à un vieux monsieur. Détournant le regard vers eux, deux vieilles dames se demandent alors s'il ne s'agirait pas du pédophile recherché. Un homme écoute leur conversation, et va aussitôt attraper le vieux monsieur en le désignant coupable. On a donc ici l'exemple même du genre d'amalgame (un homme avec une petite fille est le pédophile) dont peut faire preuve d'honnête citoyen en période de peur. Fritz Lang dénonce le jugement hâtif, l'effet de masse qui engendre évidemment l'influence groupée et la paranoïa. On peut déjà deviner le parallèle que commence à dessiner le réalisateur sur une certaine société allemande du début des années 30.
La deuxième partie du film fait place à l'enquête. D'un côté se trouve la police (l'Etat donc) qui fait tout d'abord preuve d'un véritable manque d'intelligence dans sa façon d'agir. Suspicion et contrôle d'identité répétées, paranoïa constante, atteinte à la vie privée ... Les dirigeants mettent rapidement les enquêteurs sous pressions avec un véritable manque de pragmatisme. De l'autre côté, se trouve une bande de malfrats, qui, ayant peur des contrôles policiers devenus habituels, décident d'attraper le meurtrier eux mêmes. Fritz Lang met également en scène le point de vu du meurtrier (interprété par un Peter Lorre totalement habité qui livre une performance hors du commun). Il s'agit d'une personne seule, qui agit par pulsion (symbolisée par le célèbre sifflotement) et donc contre son gré. Lang nous montre dans une superbe scène où l'ont voit le meurtrier à la terrasse d'un café, que ce dernier essaye par tout les moyens (ici l'alcool) de se défaire de ses pulsions. On est donc dans le récit non-manichéen, et on se rend compte que les enjeux dramatiques ne sont pas ceux que l'ont croit. Et dans la continuité de cette scène, le meurtrier va être reconnu par un aveugle qui reconnait son sifflotement. Là aussi c'est intéressant de constater que c'est une personne non voyante qui le retrouve; les yeux sont donc moins fiables que les oreilles (parallèle avec la scène du début).
Le meurtrier est finalement arrêté par les malfrats et non par la police (qui a tout de même réussi à trouver son appartement). Dans une scène impressionnante de course poursuite, Fritz Lang met le spectateur à l'épreuve qui ne sait plus trop quel parti prendre entre le meurtrier et les malfrats (qui finissent par le capturer). A la fin de la scène, le réalisateur nous montre une succession de plan où l'ont voit les gardiens de l'immeuble ligotés et baillonnés par les malfrats, et questionne sur la notion de justice : Faut t-il causer le mal pour vaincre le mal ?
La dernière partie de M le Maudit représente l'apologie du film. Le meurtrier est capturé par les malfrats, et ceux ci désir le juger eux même. Fritz Lang fait évidemment le rapprochement avec un régime totalitaire (disons, le nazisme), qui contourne les lois afin d'appliquer leurs idées de la justice, et questionne sur la notion du bien, du mal et surtout du juste. Pour sa défense, le meurtrier affirme qu'il agit contre son gré, à cause du maladie qui lui donne ses pulsions. Les malfrats demandent la peine de mort, l'avocat demande l'asile. On est dans la confrontation scientifiques, entre l'innée et l'acquis (chose qui sera la base du gouvernement nazi). Ici, Fritz Lang ne pardonne pas le pédophile, mais lui trouve des circonstances atténuantes. Les citoyens, eux, sont du côté des malfrats, et pensent avant tout à leurs enfants qui se sont fait tuer. Il n'y a donc pas de réflexion approfondies de leur part, on est dans le discours typiquement réactionnaire, engendré à cause de la peur. C'est d'ailleurs globalement pour ces raisons que le parti nazi est arrivé au pouvoir en Allemagne.
Et Lang conclue son film par cette phrase : "Il nous faut surveiller nos enfants", qui prend alors un double sens.