"! srevne'l à mlif nu ,looC.". Gaspard Noé aime bien sortir de l'ordinaire, on l'a bien compris (toute sa filmo est un doigt d'honneur aux films bien propres, de commande, à ceux qui n'osent plus rien). Parfois pour le pire (subjectivement, Love nous a plus qu'ennuyé), parfois pour le meilleur (cet Irreversible nous a beaucoup surpris). Inutile de taper sur le téléviseur au démarrage du film, ou de regarder de travers sa télécommande en maugréant "Allez, qu'est-ce que j'ai touché comme bouton, encore..." (on plaide coupable), Irreversible est un film à l'envers. Vous commencez donc par le générique de fin, puis vous enchaînez les scènes de la finale vers celle d'exposition, ce qui a totalement renversé notre position de spectateur. On doit continuellement faire l'effort de décrypter la scène que l'on voit, pour la comprendre un peu plus tard, essayer de lier par soi-même la logique de l'intrigue sans qu'elle nous tombe toute prête dans le bec, avec aussi une rupture constante dans la linéarité : les scènes remontent le courant au fur et à mesure des cuts au noir, ce qui ajoute un effet cassant, un refus d'harmonie qui va si bien au teint de cette histoire tragique. Évidemment, ce que la majorité des spectateurs retiendront de cette intrigue, c'est sa scène de viol, volontairement interminable pour nous en infliger toute l'horreur, en plan fixe frontal pour surtout ne rien nous épargner, et cela fonctionne. On a le temps de se révulser, de vouloir passer la barrière de l'écran avec une batte de baseball, de s'insurger que pareil passage souterrain ne soit pas mieux protégé (mais on se rappelle alors que ces ignominies trainent partout, et peuvent frapper n'importe quand, ce qui rend la scène encore plus effrayante...), de compatir avec la douleur qui émane de ces complaintes déchirantes. On a même envie de se remettre le film au début (à la fin de l'intrigue, donc) pour cette fois-ci mieux comprendre la scène de l'extincteur : non seulement elle ne nous dégoûtera plus, en ayant découvert à qui elle se destine, mais on sera même un peu soulagé (par procuration) de n'avoir pas pu donner de la batte dans la scène-clé d'Irréversible. Et si vous pensiez vous ennuyer lors des dernières minutes, car, forcément, "on arrive sur la scène d'exposition, après toute l'action, ce n'est pas un peu contre-productif ?", on a également découvert que cela sollicitait une nouvelle sentation : de la compassion "par avance", en voyant cette jeune fille toute heureuse, sous un soleil charmant, mais on s'empêche de ressentir tout sentiment de bonheur face à cette image d'Epinal de la gaité, car on sait déjà ce qu'elle va subir... Jusqu'au bout, notre position de spectateur aura été une surprise. On a donc adoré ce montage inversé, qui nous a beaucoup étonné, même si on doit composer tout le film durant avec la caméra de Noé qui est prise de convulsion (qui a un Vogalib ?) et sa musique qui ressemble méchamment à un continuel démarrage de tondeuse à gazon. La forme est too much, cherche comment obtenir un prix ou forcer la main du spectateur sur son impression de dégoût, mais il n'y en avait pas besoin, le film s'en serait aussi bien porté simplement grâce au jeu tendu du binôme Vincent Cassel et Albert Dupontel, à ce montage qui nous oblige à réfléchir pour raccorder les scènes, et à cette histoire qui nous prend aux tripes pour nous demander vengeance... Remettez-nous le début, on a des comptes à régler à coups d'extincteur.