Irréversible est arrivé ce matin dans ma boîte au lettre. Impatient, à force d'avoir entendu moult conversations et polémiques sur la "fameuse scène", je me suis empressé de glisser le DVD soigneusement dans mon lecteur et j'ai pris mon pied.
Bon, le style de Noé a quelque chose d'agaçant parfois. Sa mise en scène planante de Enter The Void, me semble moins trouvé de justifications ici; la caméra se baladant comme une âme errante semble un peu vide de sens, uniquement là pour parfaire la forme, lui donné un style bien particulier personnel au cinéma de Noé. J'ai d'ailleurs eu du mal à rentrer dans le film au début, par la faute de la scène du Rectum qui tire en longueur et étouffe par son apparence confuse, abstraite et sombre.
Cela dit, une fois le contexte posé, l'intelligence du film apparaît aux yeux du spectateur, notamment grâce à l'exploitation ingénieuse d'une "déchronologie" à la Memento, mais utilisée à des fins illustratives plutôt que ludiques. En effet, le film de Nolan avait tendance à faire du concept un jouet sophistiqué destiné à berner son utilisateur, plutôt que de le questionner sur la recherche de perspectives nouvelles, vouées à nous mettre face à l'impuissance de nos jugements, ces derniers se voyant sans cesse revu une fois que la prise de connaissance des événements passés a lieu.
On ne peut que saluer au passage, le tour de force de Noé sur pratiquement chacune des scènes du film, auxquels il parvient à insuffler un réalisme et une fluidité naturelle (je ne parle pas des scènes trash), notamment grâce à une direction d'acteur particulièrement réussie.
Toutefois, je ne voudrai pas trop m'attarder sur la critique du film, qui m'a plutôt plu dans l'ensemble, mais sur une idée que je voudrai développer concernant la discussion qu'entretiennent Dupontel et Bellucci dans le métro.
Cette discussion, me semble-t-il renvoie directement à la scène de viol à laquelle nous avons pu assister quelques minutes auparavant.
Comme je n'ai malheureusement pas trouver ce dialogue sur le net (seulement en anglais, sans aucune structure), je vais simplement sélectionner les phrases qui m'ont parues former l'essence de cette réflexion.
Pour résumer un peu, Dupontel est l'ancien amant de Bellucci, et celui-ci ne comprend pas pourquoi il n'a jamais réussi à la faire jouir. Finalement, Monica finit par lui expliquer.
-You do it but you're not there. Your problem is you focus on your partner's pleasure. You have to let yourself go. You have to let loose and think only of yourself.
- That's selfish.
- No, it's much better. You think about the other's desire and you freeze. You know?
Sometimes a woman's pleasure is the pleasure that the man feels. And if I feel that the guy isn't cuming, isn't also feeling pleasure...
- lf I fucked like a rabbit, you'd've cum.
Ces quelques bribes de conversation m'ont immédiatement fait penser au fameux "fantasme du viol" féminin qui a valu à Zemmour de se faire lyncher par toutes les féministes. Car dans le fonds, ce que décrit Bellucci, à savoir le secret pour faire jouir une femme, n'est-il pas exactement ce qui lui arrivera par la suite (ce à quoi nous avons déjà assisté donc)? Elle vante le caractère égoïste nécessaire d'un bon partenaire sexuel, sa faculté à faire l'amour comme un animal, à se laisser aller sans penser au plaisir de l'autre, et va jusqu'à dire que le plaisir de l'autre mène à son propre orgasme.
Vu sous cet angle là, la scène du viol prend alors une toute autre dimension (peut-être encore plus glauque), puisque le violeur correspond exactement aux critères requis. Ce qui semblait être une souffrance ultime, se transforme soudainement en "l'Orgasme fantasmagorique" arrivé à son point culminant.
Ce changement drastique de perspective représente tout à fait l'intelligence de Noé lorsqu'il construit son film à l'envers. Bon nombre de ressorts scénaristiques sont mis en scène de cette façon et créent ainsi toute la richesse du film.
Bref, un excellent film.