Irréversible est un film qui a fait pas mal parlé de lui, alors bon, je me suis finalement lancé dans son visionnage (11 ans après sa sortie certes, mais j’avais d’autres priorités !). Franchement, je trouve le buzz autour de lui nettement exagéré.
Coté interprétation, les acteurs sont en effet solides, mais en dehors de Monica Bellucci, ils n’ont strictement rien à faire. Il n’y a que cette dernière qui a à livrer une réelle composition d’actrice, les autres (je pense surtout à Cassel et Dupontel) auraient pu s’appeler Jean Dupont et Marcel Durand et sortir tout juste de l’école de théâtre que cela n’aurait rien changé. J’ai trouvé regrettable cette sous-utilisation manifeste d’acteurs pourtant confirmés et talentueux, du fait de personnages sans relief et au final bien creux.
Le scénario n’est guère enthousiasmant. Noé est audacieux en proposant un mode de narration innovant. Il s’en sort plutôt bien de ce point de vue, en arrivant à rendre l’enchainement des scènes fluides, compréhensible. Maintenant le gros souci c’est le vide du métrage. Certes Irréversible est avant tout un film d’ambiance, mais il est dommage d’aborder toutes les problématiques hautement intéressante qu’il y a dans le film sans creuser un minimum. Le métrage reste désespérément en surface des choses. Je ne sais pas si c’était la démarche de Noé, mais celui-ci finalement ne fait appelle qu’au ressenti du spectateur, jamais à sa réflexion, son intelligence, face à des événements comme un meurtre, un viol ou autre. Du coup il faut reconnaitre qu’il y a une impression de vide tout au long du film qui est assez désespérante, et renforcé par l’absence de dialogue.
Sur la forme, on ne peut nier une volonté esthétique, malheureusement, Irréversible va dans le mauvais sens. La mise en scène est pleine d’effets de style, dès le début. La plupart n’apportent strictement rien au film (voir une image à l’envers, en quoi cela apporte un plus ?) et sont même contre-productif. L’image est en effet assez sombre, alors si vous rajoutez là-dessus un tripatouillage visuel pas possible, le résultat devient parfois presque abstrait. Noé est par ailleurs contradictoires, offrant un travail réaliste (c’est presque de la caméra à l’épaule tout du long), mais adjoignant ces excentricités qui rendent au contraire une impression de film alambiqué. La photographie est pour sa part granuleuse, là aussi réaliste, avec un beau travail, c’est clair. Il y a des éclairages soignés, une atmosphère fort bien rendue, de belles trouvailles. C’est contrebalancé par des décors très moyens, car même si on peut comprendre qu’il n’y a pas des choses fabuleuses, il est difficile de s’imaginer réellement dans une boîte de nuit ou dans un club privé lorsque les scènes sont censées s’y dérouler. Pour le reste, Irréversible est connu pour deux scènes (cela montre d’ailleurs le vide intersidéral de l’ensemble). Celle du meurtre au début est certes violente mais enfin, des habitués de cinéma d’horreur style torture-porn ne trouveront pas vraiment de quoi sourciller. Celle du viol joue une carte crue et un peu racoleuse qui le distingue de la concurrence (si je puis dire !) et qui rebutera clairement un large public. Il y a d’autres scènes de violence ou érotiques dans le film, qui sont plus « traditionnelles » mais qui clairement adressent le film à des spectateurs adeptes de cinéma d’horreur ou underground. Coté bande son, en dehors de la fin il n’y a vraiment rien à retenir.
En conclusion, Irréversible n’est pas très bon. Il sous-exploite manifestement son potentiel (sujets, acteurs), et offre un résultat visuel tarabiscoté qui ne sait pas vraiment où il va. Noé semble avoir beaucoup trop hésité entre le réalisme quasi-documentaire, et le film expérimental, du coup le résultat peine à convaincre. Pour ma part je lui donne 1.5, considérant les efforts sur la photographie, le jeu de Monica Bellucci, quelques passages bien menés, une atmosphère originale, mais les défauts sont trop plombant pour mettre davantage.