Gaspard Noé est un grand travailleur de l'imagine, de la mise en scène, indéniable. Le soucis vient de cette radicalité certainement. Mais le films s'en dégage, au fur et à mesure et gagne une esthétique, un rythme qui ne ressemble à aucun autre. Irréversible est un petit film de caverne, qui commence déjà avec le soucis de la démonstration (le temps irréversible, les lettres, la vision, le chaos, tout est dans un mouvement de perturbation permanent). Une cellule de prison, une boîte gay violente, un taxi chinois... En quelques plans séquences d'une grande cruauté, Noé film la violence comme un acte d'horreur pur et d'incompréhension. Nous ne savons rien des personnages, rien de leurs histoire, de leur dialogue. Tout au plus cette vengeance. Après cette longue et peut-être pénible scène, mais aussi nécessaire, fascinante dans un sens, imposante ou muette scène de viol dans le passage, le film se dirige autre part, vers l'origine, vers le temps du passé et trace à rebours des images de bonheur simples. L’apogée lyrique du film, le climax, ce n'est pas cette scène de viol, c'est sa réponse directe que l'on trouve dans le dernier plan : le repos infini d'une femme sur la pelouse, entourée d'enfants en devenir. Et le caméra tourne, tourne sans fin dans le sens temporaire, pour faire se mêler à nous le plaisir de cette scène de parc (seul espace ouvert et vert du film qui est à l'opposé orange et engouffré) et en même temps la fin des temps tranquille, une puissance de narration qui ne se fait que par le non dit, par un petit test, par un sourire discret. L'on revient à un film dérangeant, irréversiblement poseur de son mécanisme, mais nécessaire.
Contre le violence, contre le temps, le film souffre cependant de son aspect "constat" que font les deux prisonniers dans les premières images. C'est une façon de poser les choses, pas des plus astucieuses, et ce dégoût d'un possible avenir est un peu stérile au final. Il faut cependant noter que, dans sa construction, dans sa caractérisation de personnages vivants (dont Trois acteurs magnifiques), le film n'arrête pas de s'embellir. Monica Bellucci devient même le centre de parole d'un film qui cause peu et bien de l'amour et du désir (de pouvoir).