Mon compte
    Les Chasseurs de salut
    Note moyenne
    2,9
    6 notes En savoir plus sur les notes spectateurs d'AlloCiné
    Votre avis sur Les Chasseurs de salut ?

    1 critique spectateur

    5
    0 critique
    4
    0 critique
    3
    1 critique
    2
    0 critique
    1
    0 critique
    0
    0 critique
    Trier par :
    Les plus utiles Les plus récentes Membres avec le plus de critiques Membres avec le plus d'abonnés
    soniadidierkmurgia
    soniadidierkmurgia

    1 174 abonnés 4 167 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 3 octobre 2023
    Alors qu’il vient d’assister le réalisateur Roy William Neill (la série des Sherlock Holmes réalisée dans les années 40 avec Basil Rathbone dans le rôle titre) sur “By Devine Night” (1924), Josef Von Sternberg est contacté par l’acteur anglais George K. Arthur pour mettre en scène une comédie. Sternberg accepte la proposition à la condition que le scénario soit écrit de sa main. Ce sera “The Salvation Hunters”, drame social que les deux hommes financeront à l’aide de leurs économies pour un budget total de 4800 $. Sternberg sera réalisateur et producteur alors que George K. Arthur occupera le rôle masculin principal aux côtés de Georgia Hale, chanteuse de cabaret et accessoirement figurante que Sternberg recrutera lui-même. Le tournage se déroulera au Port de San Pedro (Los Angeles) à Chinatown et dans San Fernando Valley.
    Ce premier film très modeste tourné en trois semaines sera celui qui ouvrira les portes d’Hollywood pour le meilleur et souvent pour le pire au jeune Von Sternberg. Le film ne rencontrera au départ aucun succès, amenant Sternberg à penser qu‘à peine commencée sa carrière de réalisateur est déjà finie. La légende prétend que le très pugnace George K. Arthur avait réussi à introduire une copie du film dans la demeure de Charlie Chaplin. Emballé par la tonalité et surtout par l’esthétique de “The Salvation Hunters”, l’acteur/réalisateur le montra à ses trois associés au sein d’United Artists. Il est alors question d’un film avec Mary Pickford. L’actrice fétiche de David W Griffith très soucieuse de son image et habituée aux réalisateurs aux ordres, tergiverse pour finir par refuser le scénario proposé par Sternberg.
    Il est alors enrôlé par la MGM pour huit films. Il en terminera un seul (“The Exquisite Sinner”) qui ne plaisant pas aux dirigeants de la MGM ne sera pas exploité en salles. Les prétentions artistiques de Sternberg et ses méthodes rappelant trop celles d’Erich Von Stroheim, il est rapidement transféré à la Paramount où, en dehors de ses formidables succès qui enrichiront le studio et feront éclore Marlène Dietrich, sa réputation de réalisateur “ingérable” sera définitivement établie. “The Salvation Hunters” et “Fièvre sur Anathan” situés chacun aux deux extrémités de la filmographie de Sternberg seront revendiqués par lui-même comme les deux seuls où il aura pu travailler en totale indépendance. Âgé de 31ans pour sa première réalisation et de 58 ans pour la dernière.
    Le scénario écrit par Sternberg n’est certes pas politique mais tout de même très imprégné des doutes qui assaillent nombre d’intellectuels sur les réels bienfaits de l’industrialisation à marche forcée qui est en marche depuis 1840 en provenance d’Angleterre. Les conditions de vie du prolétariat renommé par Marx “Lumpenprolétariat” montre que la redistribution vers ceux qui produisent ne fonctionne pas du tout. La crise de 1929 n’est pas très loin et Emile Zola celui qui a le mieux parlé des ravages des nouveaux modes de production est mort depuis seulement vingt ans. Sternberg qui vient d’Autriche est forcément sensible à ces problématiques qu’il expose d’ailleurs de manière un peu voyante dans les premiers intertitres du film. L’excavatrice qu’il a choisie à dessein symbolise parfaitement le rapport aliénant de l’homme à la machine. Une machine par ailleurs impuissante à remplir correctement sa fonction, les rives sablonneuses du port de San Pedro s’effondrant au fur et à mesure que l’énorme pelle charge les cales du chaland sur lequel se trouvent la “fille” (Georgia Hale), le “garçon” (George K. Arthur) et l’ “enfant” (Bruce Guerin) .
    Ces trois-là sont la traduction humaine du mouvement perpétuel dont semble mue l’excavatrice qui ramène toujours vers le fond. Le récit malgré tout empreint d’un certain optimisme démontre que seule l’union des destins peut raviver puis concrétiser l’espoir. spoiler: Finissant par sortir de leur torpeur rythmée par le lancinant mouvement de la machine, les trois “homeless” finissent par quitter le port pour se rendre en ville où la spirale déceptive continuera de les aspirer vers les abîmes de la misère. Un proxénète (Otto Matieson) paradoxalement onctueux offrira une chambre au trio, créant ainsi une dette dont il est assuré qu’elle ne pourra se régler que par le recours à la prostitution de la “fille”. Comme dans les films de Chaplin l’espoir finit pas se faire jour à mesure que l’intrigue progresse vers son dénouement.
    Mais là où Chaplin met les rouages de l’action dans les mains de son vagabond, symbolisant presqu’à lui seul le pragmatisme et la malice de ceux qui n’ont rien, Sternberg renonçant aux effets comiques distribue plus largement les ressorts de la reconquête de l’estime de soi, chacun palliant aux carences de l’autre. Ainsi la détermination et l’abnégation de la fille, vont réveiller le courage du garçon avec l’enfant comme déclencheur des émotions.
    Le film inabouti avait été jugé trop lent par Sternberg lui-même qui dira: “ A l’époque j’étais jeune et terriblement sérieux”. Ce n’est certainement pas faux concernant les trop nombreux intertitres explicatifs ou encore certains effets appuyés comme le proxénète très souvent appuyé devant un porte-manteaux fait d’une paire de cornes rappelant que sa douceur de façade ne doit pas faire oublier ses projets malfaisants. Mais on peut aussi clairement y déceler certains des tropismes qui structureront son œuvre comme l’influence permanente de l’élément liquide dans lequel il aime faire se refléter ses personnages, le recours à des éléments de décors symboliques déterminant les comportements comme ici l’excavatrice ou encore son penchant pour les femmes fortes qui refusent de se faire dicter par l’homme leur conduite. C’est sûr, un grand réalisateur était en gestation.
    Les meilleurs films de tous les temps
    Back to Top