Quel film magnifique!
René Clair signe ici un film au scénario à la ligne claire comme une BD belge…
Les thèmes exposés, l’amitié, la générosité, la simplicité au-delà de toutes les contingences sociales sont ceux du groupe de copains qui servent le film. Les deux grands potes que sont Fallet et Brassens d’abord…
Mais aussi Bussière - bien oublié aujourd’hui. Quel grand acteur !
Et évidemment le gentil René Clair, admiré par Chaplin et réalisateur de chefs d’oeuvre tels qu “Entr’acte” 1924, « A nous la liberté ! » 1934, « C’est arrivé demain » 1944 ou « La beauté du Diable » 1950…
« Porte des lilas » de 1957 n’est pas considéré habituellement comme faisant partie des œuvres marquantes du réalisateur…
Pour moi, pourtant, ce film constitue un jalon incontournable de l’histoire du cinéma mondial.
« Porte des Lilas » signe l’apogée du noir et blanc, de la qualité des éclairages, de celui du cadrage et des mouvements de caméra, de la photographie.
Quel autre film suggère avec autant d’intensité les pavés mouillés, les lumières noctunes blafardes, les lointains et les palissades de planches de la banlieue ???
On sent l’influence d’un Doisneau, d’un Lartigue… Rendons hommage à Robert Le Febvre qui fut l’artisan de cette belle photographie…
Voici le charme désuet, perdu de la banlieue des exclus, des mis au ban (ban-nis) de la société. Et tous ces décors d’où jaillissent poésie et réalisme ont été reconstitués en studio par Maurice Barnathan et Léon Barsacq …
Quel luxe de détail !
Cà vaut bien vos chers « zéfés » spéciaux mes z’enfants !
Cinq personnages …
L’ « Artiste », le bohème, le bougon, le silencieux qui ponctue le film de sa belle musique et lui donne tour à tour une ambiance mélancolique, dramatique, une ambiance guiguette (oh ! les merveilleux arrangements des thèmes de notre Brassens préféré…). Rejeté des bourges mais aimé du prolo. L’archétype de l’anar doux qui vit sa vie sans regarder autour de lui…
« Juju » campé par un Pierre Brasseur admirable. Lui que l’on cantonnait à l’époque dans des rôles équivoques (malfrat, lâche, vantard grande gueule) nous sert un personnage d’une douceur, d’une pudeur, d’une bonté telle qu’il passe pour un benêt, un imbécile… Ce qu’il cherche pas à démentir. On l’aime comme ça ! Christique le Juju ! Mais un Christ bourré ! Garde coude haut Juju, sur cette Terre de misère !
« Maria » (Dany Carrel) belle comme le jour…. Si actuelle avec ses jolis cheveux courts… Belle mais simple. Et tellement aveuglée par les lumières factices qu’elle est bien incapable de voir d’où sourd la sagesse…
« Pierre Barbier » (Henri Vidal) le personnage qui préfigure ce que nous sommes tous devenus, des salops égoïstes absolus… Ici dans le film il porte nom et prénom. C’est le seul ! C’est comme s’il portait cravate et costard ! Il trimballe son flingue comme les héros des blockbusters que nous aimons tant! Il rêve de fric à gogo (y’en a partout dit-il), de grande vie et il déteste les chats ! Sans parole, il vit au détriment des autres… Un mec moderne quoi !
Et puis le cinquième personnage c’est le bouillonnement de la société, la rue. Le patron bistrotier (Raymond Bussière) brave mais prompt à faire appel aux flics, les flics bonhommes en vélo portant pèlerines, les Quatre chevaux déboulant en « trombe » pour serrer l’ennemi public n°1, « la veuve » très active en ces temps là….
Faubourgs fauchés où des maisons brinquebalantes abritent des pauvres, des poivrots et des artistes....
Quartiers délabrés mais à visage humain. Les guinches, les épiciers grognons et voleurs, le bistrot lieu où l’on parle, où l’on se sent moins seul…
La zone avec ses lascars, ses marlous et quelque jolie fleur qui pousse entre les pavés… Les « hirondelles » qui annoncent rarement le printemps et qui sont accompagnées des affectueux « Mort aux Vaches ! ».
La fronde gueulée par quelque graine d’ananar…
Bientôt les grandes tours effaceront cette banlieue populaire. Ils casemateront par ordre venant de haut ces fomenteurs potentiel de révolution. Nous les banlieusards, on est toujours trahis par les centres ville !
D’ailleurs peut-on simplement entendre le soupir d’une société à l’agonie ?
Chacun derrière sa télé et Dieu pour tous…
Ils voterons comme il faut !!!
PORTE DES LILAS : UN CHEF D’ŒUVRE !