Une belle histoire, ludique et fraîche nous emporte pendant un moment dans l'univers d'un conte fantastique. C'est agréable, nous regrettons simplement sa fugacité. Ce monde nous engloutit, nous voudrions y demeurer pour mieux rencontrer et comprendre ses personnages. Nous sortons intrigués, séduits et déçus de ne pas avoir réussi à traverser le miroir de l'écran pour accompagner ce petit peuple à la conquête de son futur.
Il se dégage de ce film, en premier lieu, le même sentiment que l'on éprouve au moment du départ d'un ami cher. En second lieu, la richesse des images avec cette lumière douce et diaphane, nous installe dans une attitude de contemplation curieuse. Le film est très riche plastiquement et il réussit à faire cohabiter trois univers visuels différents dans une parfaite harmonie. Ce côté ternaire nous donne à voir un univers entier. Quel bonheur d'assister à autre chose qu'une dichotomie basique et décevante où le bien triomphe du mal ? Kaena est complexe au-delà de son apparence. Dès que nous cherchons à décortiquer ce film, nous savons que nous assistons à quelque chose qui va plus loin qu'un simple divertissement. Il est plaisant certes, mais en plus il donne à voir une réflexion claire et sympathique. Nous n'assistons pas à une ode profonde et métaphysique ; Kaena en demeure une belle introduction cependant. Le méchant n'est pas un méchant, le bon n'est pas si bon et l'héroïne incarne la fragilité, la force, la détermination et la pureté d'une personne qui a une noble cause. Elle résiste à l'ordre établi, c'est déjà en soi un beau programme.
On pourrait se sentir gêné de l'aspect parfois imparfait des humains au regard du reste des personnages et de l'univers dans sa globalité. Ces imperfections plastiques dégagent des questions subtiles. La perfection et la grande beauté quasi mystique du roi et de la reine renvoie aux croyances, au pouvoir, à la domination, mais aussi à la décadence, la chute et la disparition. La douceur protectrice du sage avec ses grands yeux profonds et étranges nous parle de la connaissance, de la lucidité et de l'empathie, mais aussi de la fragilité de toute sagesse. L'imperfection, autant plastique que conceptuelle des humains, se trouve à la charnière des deux mondes. Ils sont disgracieux, bêtes et méchants, mais ils portent en eux l'espoir de la création et de l'avenir.
Notre satisfaction vient de nombreux facteurs. S'il faut retenir une chose : Kaena la prophétie incarne une épopée digne des grands mythes et se structure autour de certaines qualités qui font les grandes oeuvres d'art.