Derniers Avis sur 24 heures de la vie d'une femme

Une réussite esthétique avec une excellente reconstitution des décors de 1917 et une belle recherche des couleurs. Très bonne interprétation de Danielle Darrieux dans une histoire cruelle tirée d'une nouvelle de Stefan Zweig qui ne se déroule pas pendant la guerre (en 1927). On ne comprend pas très bien pourquoi l'héroïne tombe amoureuse de ce déserteur pas très sympathique, car une seule partie de la nouvelle est développée. Le scénario suggère une attirance sexuelle. Il est peu explicite et se réduit à une seule journée, c'est un choix du réalisateur. C'est pourquoi le rythme est lent dans un format très court (84 minutes). La reconstitution prime souvent, mais ce n'est pas du tout un film désagréable.

Les décors et les costumes nous mettent dans l'ambiance du roman mais la réalisation totalement à l'arrêt n'insuffle pas le souffle de vie fiévreux espéré. L'intérêt pour ce film devient vite anecdotique et peu de scènes retiennent l'attention.

Etrangement ce film de Dominique Delouche, adaptation d'un roman de Stefan Zweig rappelle visuellement et musicalement "Mort à Venise" de Luchino Visconti tiré lui d'une nouvelle de Thomas Mann. Visuellement tout d'abord avec langueur embrumée qui se dégage de cette ville d'eaux italienne pareillement à celle qu'exhale la lagune de Venise où un vieux compositeur se languit d'un amour platonique pour un jeune éphèbe aperçu au Grand Hôtel des bains. Musicalement ensuite avec les mouvements lancinants de Brahms en prolongement de l'Adagietto de la 5ème symphonie de Mahler qui enveloppe tout le film de Visconti. La similitude du propos et des époques enfin avec la difficile acceptation de l'entrée dans l'âge mûr ou la vieillesse par une femme chez Delouche et par un homme chez Visconti avec en sus le douloureux refoulement de l'homosexualité . Les similitudes sont nombreuses même si on est loin chez Delouche dont c'est le premier long métrage de la maîtrise formelle de Visconti qui confine au chef d'œuvre sur "Mort à Venise". On pourrait penser vu la différence de notoriété entre les deux œuvres et les deux réalisateurs que Delouche a puisé son inspiration chez l'esthète italie. Sans doute dans le "Guépard" mais pas dans "Mort à Venise" qui est postérieur de trois ans à "24 heures dans la vie d'une femme". Les références italiennes de Delouche sont pourtant indéniables, si l'on songe qu'il a été l'assistant réalisateur de Frederico Fellini sur trois de ses films majeurs (Il Bidone, les nuits de Cabiria et La Dolce Vita) et qu'il vient tout juste de rendre un fervent hommage à Visconti par la rédaction d'un essai sur le travail du maître (Visconti, le prince travesti, 2013). Son film moins abouti reste néanmoins touchant par la fragilité de cette riche veuve qui s'ennuie dans cette ville frontière alors que la Grande Guerre fait rage dans les plaines du Nord de la France. Fragilisée par l'arrivée de l'âge, elle se trouve une proie facile pour le premier gigolo qui saura lui rendre un peu d'une fraîcheur qui s'étiole, même pour vingt-quatre heures. La faiblesse du film car il y en a une, provient sans doute du jeu un peu terne de Robert Hoffmann acteur autrichien qui ne parvient pas à s'élever au niveau de celui de la grande Darrieux qui semble souvent bien seule pour faire exister le film. L'affaire aurait certainement pris une autre ampleur si Max Ophüls qui devait initialement faire le film et qui connaissait bien l'actrice avait pu aller au bout du projet.

C'est désolant de ne mettre qu'une étoile à un film pareil. Mais, comment faire quand le résultat est si mauvais malgré tant d'application ? Rien ne passe, tout est artifice : aucune vie, aucun élan, aucune émotion. De plus, je n'ai jamais vu notre Darrieux nationale aussi décevante, mal inspirée, mal dirigée. La mise en scène est inexistante et les cadrages photographiques ratés. On reconnait à peine le lac de Côme et la villa Carlota ... C'est dire. Pourtant c'est beaucoup de travail, le réalisateur fait tout ce qu'il peut pour traduire au cinéma ce formidable roman. La qualité des images et des couleurs n'est pas en cause ; c'est ce qu'elles signifient qui ne passent pas. J'ai eu l'impression d'assister à un diaporama de belles photos vides de sens accompagné de dialogues sans intérets. Quant à la musique elle est véritablement envahissante. Un beau gaspillage fait avec les meilleurs intentions du monde.