Michael Bay, roi autoproclamé du blockbuster explosif et décérébré, a décidé de faire une pause entre 2 épisodes de "Transformers" pour revenir à un cinéma plus "intimiste"… sans pour autant renier son style. Certes, "No Pain No Gain", qu’il prépare depuis 10 ans, est tiré d’un fait divers tragique et dispose d’un budget minimaliste mais il ne faut pas compter sur Bay pour faire dans le misérabilisme de film d’auteur. Ainsi, son "petit film" dispose d’un rythme effréné, d’une photo particulièrement travaillée (avec des couleurs chaudes), de séquences explosives, d’un ton transgressif voir régressif assumé et d’effets de mise en scène originaux et, surtout, payants (voir l’énorme "c’est toujours une histoire vraie"). Cette mise en scène inventive vient presque justifier, à elle-seule, l’intérêt de porter à l’écran ce fait divers, certes incroyable dans son déroulement (entre l’amateurisme des kidnappeurs, leurs motivations, l’ampleur de l’escroquerie, l’inertie de la police… il fallait bien que l’histoire soit vraie pour que le spectateur y croit) mais qui aurait pu rapidement tomber à plat (rappelons que le film est tiré d’un seul article de presse, ce qui en dit long sur sa "complexité"). Michael Bay a visiblement été conscient du caractère limité de son intrigue puisqu’il a "gonflé" son film en s’adonnant, pour la première fois, aux joies de la critique acerbe du rêve américain, ce qui ne manquera pas de surprendre de la part d’un des grands artisans du patriotisme US sur grand écran ("Rock", "Armageddon" ou encore "Pearl Harbor" ne sont pas des modèles de brulots anticonformistes). Ici, le héros est avant tout un looser incompétent qui croit dur comme fer que son élévation sociale passera par la discipline et le respect du corps qu’impose le culturisme. Le manque de recul du personnage (à commencer par son jusqu’auboutisme effarant et son impassibilité suite à sa condamnation) doublé de sa lâcheté devant l’épreuve (voir ses réactions dès qu’il faut prendre une décision impossible), viennent renforcer l’aspect profondément pathétique de cet américain moyen et, à travers lui, de ce rêve américain si galvaudé et décrit, ici, sous son angle le plus bling-bling (les discours du coach campé par l’excité Ken Jeong en sont un exemple frappant). Outre ce ton inédit, Michael Bay nous rappelle son goût pour les castings surprenants (avec des acteurs qui se révèlent sous un jour nouveau) et innove en creusant un peu la psychologie de ses personnages, loin des caricatures habituelles. Ainsi, aux côtés du pathétique chef de bande campé par un Mark Wahlberg loin de ses rôles habituels de dur à cuire pétri de certitudes, on retrouve un Dwayne Johnson hallucinant en repris de justice neuneu croyant trouver la rédemption dans la religion, Anthony Mackie en bodybuilder complexé, Tony Shalhoub génialement détestable en pigeon, Ed Harris en détective privé classieux ou encore l’excellente Rebel Wilson en petite amie déjanté. "No Pain No Gain" n’a donc à rougir ni de son casting, ni de sa mise en scène, ni de son intrigue. Le problème du film se situe, en fait, ailleurs. A trop vouloir rendre le drame abordable en mettant en avant certains détails si invraisemblables qu’ils sont comiques, Michael Bay a un peu le cul coincé entre deux chaises. En effet, le ton comique vient désamorcer la tension dramatique du fait divers (qui s’achève quand même tragiquement)… de même que la gravité des faits commis (tentative de meurtre, meurtres, découpage de cadavre…) empêche de rire totalement de l’amateurisme de cette bande de bras cassés. Cette difficulté à trouver son ton semble cependant correspondre à la réalité, de sorte qu’on peut difficilement en faire le reproche au réalisateur. Il n’en demeure pas moins que ce "No Pain No Gain" restera comme un intéressant retour aux sources dans la filmographie de son réalisateur et surtout un rappel de son talent passé… à l’époque où il ne se contentait pas de filmer des robots qui se tapent dessus.