Il y a des films dérangeants. Parce que le propos est scabreux, ou traité avec un parti-pris évident, ou bien parce qu'il navigue entre deux eaux. C'est le troisième cas pour No pain, no gain. Film réalisé par Michael Bay à qui l'on doit déjà les Transformers et Bad Boys, No pain, no gain traite d'un faits divers qui s'est déroulé au milieu des années 90 à Miami. L'histoire : "Daniel Lugo, coach sportif, ferait n’importe quoi pour vivre le « rêve américain » et profiter, comme sa clientèle fortunée, de ce que la vie offre de meilleur : maisons de luxe, voitures de course et filles de rêve… Pour se donner toutes les chances d’y arriver, il dresse un plan simple et (presque) parfait : enlever un de ses plus riches clients et… lui voler sa vie. Il embarque avec lui deux complices, Paul Doyle et Adrian Doorbal, aussi influençables qu’ambitieux. No pain, no gain s’inspire de l’histoire incroyable mais vraie de ces trois kidnappeurs amateurs qui, à la recherche d’une vie meilleure, se retrouvent embarqués dans une série d’actes criminels qui dégénèrent rapidement… Rien ne se déroule jamais comme prévu."
Et effectivement, ce n'est qu'à la troisième tentative que les trois abrutis finissent par enlever leur victime. Et c'est là que le bas blesse. Parce qu'à leur donner une allure de Pieds nickelés presque sympathiques, parce qu'en les confondant presque à des victimes du système, alors que leurs motifs ne sont que personnels et leur connerie aussi forte que leurs muscles, Michael Bay zappe toute l'horreur de cet enlévement qui n'a rien à envier à notre Gang des barbares qui avait enlevé Ilan Halimi,
puis l'avait séquestré, torturé et dont l'agonie durera plusieurs semaines. A Miami c'est la même barbarie qui a frappé, avec les mêmes raisons : vouloir dépouiller un homme, et là encore la victime est juive, ce que Michael Bay ne traite que comme un détail. Marc Schiller a subit des tortures du même style : frappé, brûlé, électrocuté, subissant des simulacres d'exécution et ça pendant un mois. Le but des tortionnaires étant de s'accaparer "légalement" la fortune et les biens de leur victime en lui extorquant sa signature sur divers contrats de vente (maison, voiture, comptes bancaires…). Marc Schiller sera complétement dépouillé de tout. Logiquement ils vont essayer de le tuer mais là encore ces trois idiots ne savent pas s'y prendre. Ils vont l'attacher dans sa voiture, puis la faire exploser. Mais Marc Schiller va miraculeusement s'en tirer. Voyant cela ils vont lui rouler deux fois dessus, le laissant pour mort ! Et là encore Marc Schiller va s'en tirer ! Le vrai héros c'est donc cette victime à la résistance hors du commun. Héros présenté comme un personnage peu sympathique, effet qui là aussi retarde notre compréhension de ce qui se passe réellement. C'est à dire de la torture menée par trois débiles sans aucune limites. Imaginez une seconde que vous soyez à la place de Marc Schiller… Vous ne verriez plus le film sous le même angle. Dernière ignominie : c'est Marc Schiller qui a écrit le récit dont s'inspire le film ; film qui a rapporté plus de 50 millions de dollars. Pas un seul n'est revenu dans les poches de Marc Schiller. Décidemment sa douleur et son calvaire a rempli les poches de beaucoup de gens… Certes, cet homme est un fraudeur qui subira d'ailleurs une année de prison pour fraude fiscale suite à cette affaire, mais faut-il le déshumaniser comme le fait ce film ? Il y a un risque à faire cela, celui de banaliser la violence quand elle nous semble toucher quelqu'un qui la "mérite". C'est comme cela que les pogroms ont commencé dans les années 30…