C’est un fait avéré, il y a plus d’explosions que de dialogues dans les films de Michael Bay. Avant de nous faire rêver (drôle n’est-ce pas) avec Transformers 4, il s’attaque à un projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps. Loin des blockbusters explosifs bien débiles qu’il livre d’habitude, ce film montre-t-il que Michael Bay sait encore faire autre chose ? La réponse dans quelques lignes.
Rien qu’en adaptant une histoire vraie, Bay affiche ses faibles ambitions d’écriture. Daniel Lugo, professeur de culturisme séquestre avec deux copains un juif (un riche, c’est pareil pour Michael Bay) et le forcent à leur donner tout ce qu’il possède, sauf sa croix de David bien sûr. On croît alors qu’il va s’agir d’une reconstitution des événements lors du plaidoyer des condamnés que seront les trois criminels, ce qui aurait enrichi le film. Et bien non, on y a droit cinq minutes au début, trente secondes à la fin, et le reste du temps ça se déroule comme un film classique…vive la créativité. Il paraît alors que le véritable sujet du film sera le rêve américain. Dans un récit où tout est tellement peu crédible, et fait avec une mentalité d’adolescent grossier, Bay fait en réalité l’apologie de son pays…quelle originalité…Non sans avoir fait une jolie compilation de clichés (les juifs et l’argent, etc…) Bay expose alors sa thèse : ceux qui ont des muscles sont ceux qui doivent être riches. On a beau reconnaître que les films de Michael Bay sont débiles, là c’est une première historique dans la franche débilité. Et en effet ce sont les gens musclés qui doivent être riches car la perfection physique reflète la réussite dans la vie, digne du rêve américain. Mesdames et mes lecteurs, Michael Bay, le philosophe du vingt et unième siècle. Notre héros va alors bien nous montrer durant tout le film que c’est parce qu’il est musclé qu’il mérite d’avoir de l’argent. Et c’est d’ailleurs lors d’un dialogue à propos de ça assez mal écrit (comme la majorité des dialogues du film) que vient le seul, l’unique élan de génie du film, un dialogue entre le héros et le juif kidnappé. Le héros dit au juif qu’il va le dépouiller sévère car il n’a pas une thune et que comme il est musclé il mérite d’en avoir un max. Et c’est là que le juif lui réponds, je cite : « T’es fauché parce que t’es un gros con qu’a jamais fait d’études »…Vous savez, pour tout le mépris et la haine profonde que j’ai pour ce film, je l’aime pour cette réplique, tellement puissante qu’on dirait que Mark Wahlberg lui-même a pris un coup à son amour propre. Et ce qui suit achèvera de montrer que le personnage joué par ledit Mark Wahlberg est un gros débile.
Cela me permet d’enchaîner sur le traitement pauvre accordé aux personnages. Le film lui-même reconnaît que ses héros sont des abrutis. Dans ce cas comment ? Je dis bien comment ! Comment s’attacher à des personnages que le film fait depuis le début passer pour des abrutis de première et qui leur donne un développement psychologique et des scènes aux valeurs idoines ? Comment ?... Ainsi Mark Wahlberg n’est pas attachant une seconde en manipulateur égocentrique, et Tony Shalhoub fait énormément pitié. On note que Michael Bay est un très mauvais directeur d’acteur, il suffit de voir le potentiel bâclé d’Anthony Mackie ou l’inexpressivité de Dwayne Johnson en jésuite illuminé pour s’en rendre compte. Enfin on retrouve Bar Paly, qui passe son temps à se foutre à poil et à montrer son derch. Ai-je vraiment besoin de préciser qu’elle ne sert à rien…je ne pense pas.
L’écriture des dialogues entre ses personnages, sans inspiration et prévisible, affiche un humour lourdingue encore plus insupportable qu’à l’accoutumé, et très en-dessous de la ceinture…un adolescent grossier vous disais-je. Et dans un élan d’imagination grandiose, on prend Ken Jeong et on le place vite fait au moins tous les bouffeurs de pop-corn de Very Bad Trip pourront le reconnaître et trouveront ça cool. Cela reflète un des nombreux problèmes du film. Michael Bay pense que tout ce qui lui passe par la tête est cool, et il le fout dans son film.
La plupart du temps, Bay veut donner un côté humoristique à des situations où les personnages semblent dépassés, mais le traitement de ces scènes ne fait jamais rire, tout au plus ils nous réconfortent dans l’idée que le film est raté. S’il a cru que reconstituer une histoire vraie pourrait intéresser le spectateur, il aurait pu se débrouiller pour ne pas rendre le récit soporifique et des plus mal construits. Le film est beaucoup trop long, le récit se perd et perd tout intérêt, l’intérêt pour le film, car l’intérêt pour le spectateur ne s’est jamais manifesté. Qui plus est le montage est superficiel, mal fait et ne diversifie jamais les tons, pour rester dans la platitude du film. Le film essaye même d’instaurer un côté dramatique dans le dernier acte, mais ça ne colle pas du tout avec l’ambiance, et c’est tellement mal fait que ça nous fait sortir du film. La réalisation se révèle être pauvre et monotone, la chose que Bay filme le mieux, ce sont les stripteaseuses d’un club où l’on va deux fois, alors qu’il ne sert à rien…ça…alors. Il essaye de refourguer la moindre de ses idées sans qu’elle soit travaillée, ce qui est représentatif de la superficialité de son cinéma. Il y a d’ailleurs un exemple parfait dans le film : à un moment, Bay utilise (mal) un remix de « gansta paradise » de Coolio, alors que l’originale serait beaucoup mieux allée. Et ce qui me fait encore plus rager…c’est que l’originale est utilisée dans le générique ! Heureusement le réalisateur nous met une explosion pour montrer que c’est bien lui qui est aux commandes. Elle pourrait même passer inaperçue sans une incohérence des plus irritante. Je vais t’apprendre quelque chose Michael Bay…les voitures…ça n’explose pas!
De tout le film, il n’y a qu’un seul moment bien mis en scène…et il est en entier dans la bande annonce. Pour le reste, c’est une œuvre mal faite dans laquelle rien n’a d’effet sur le spectateur. Mais ce qui est encore plus méprisable, c’est la mentalité qui découle du film et qui est proprement dégueulasse. Ainsi sans talent et sans volonté de cacher un caractère raciste égocentrique et intolérant, Michael Bay se moque des juifs, des gays, des noirs, des latinos, des nains et des gens malins…vous aurez compris qu’il ne se moque donc jamais de lui-même. Il livre une fin moralisatrice et termine sur un discours qui sonne faux et une très mauvaise punchline, vu qu’elle entre complètement en contradiction avec ce qui se passera.
On peut alors se demander quelles leçons Michael Bay veut-il donner ? Peut-être que le rêve américain n’existe pas ? Qu’il faut foncer sans se soucier des conséquences. Que philosopher empêche les actes qui mènent à la gloire. Qu’il faut y aller à l’instinct. Qu’il ne faut pas chercher un bonheur inaccessible et se contenter des petites choses, ou encore qu’on n’échappe pas à la justice. Attendez, de la morale ? Dans un film de Michael Bay ? Mais non, en fait c’est un film vide de sens qui croît toucher de doigt et remettre en question les fondements des Etats-Unis, alors que la réflexion qu’il apporte est inexistante.
Le pire dans tout ça, c’est que le film se prend au sérieux (oui ne pas se prendre au sérieux c’est trop subtil pour Michael Bay) ce qui rend l’avalanche de gags bidons encore plus affligeante. Il aurait bien mieux valu en faire un film sérieux plutôt que cette comédie de série B pour bouffeurs de pop-corn. Déjà encensé par la presse (on se demande pourquoi) ce film est un pur ratage de la pire espèce. Encore pire que de montrer que Michael Bay fait des films débiles, il montre qu’il ne sait faire plus que ça…mais il a au moins le mérite de pigeonner la presse, qui n’a toujours rien compris. Par chance, votre humble serviteur (moi) ne se laisse pas pigeonner aussi facilement. Bay a beau sortir de son registre de superproduction et afficher des héros impuissants, ça n’en fait pas un bon film. Et ce n’est pas parce qu’il a un cinéma décérébré qu’on l’accuse d’être un piètre réalisateur, c’est tout simplement parce que ses films sont mauvais. D’ailleurs celui-là est aussi mauvais que Transformers 3.
Au fait Michael Bay, Bucarest, c’est pas en Russie.