En 1985, Ronald Reagan est au pouvoir depuis 4 ans et a réactivé la Guerre froide notamment en soutenant les moudjahidines face à l'armée soviétique en Afghanistan. Les Jeux olympiques servent régulièrement en parallèle à une confrontation symbolique entre les deux blocs. De son côté, Sylvester Stallone a enfin réussit à trouver une autre icône de la culture populaire avec Rambo. Ce personnage, ambigu dans le premier film, réapparait dans un second volet, où il symbolise les États-Unis prenant leur revanche sur l'U.R.S.S., qui rencontre un énorme succès (le plus gros de la carrière de Stallone à l'époque au niveau mondial et toujours à l'heure actuelle le plus gros aux Etats-Unis).
Stallone décide alors de transposer à nouveau la Guerre froide à travers les prochaines aventures de son autre personnage fétiche : Rocky. Le troisième volet était déjà assez simpliste et avait rencontré un gros succès. Stallone réapplique donc cette formule en l'adaptant à l'affrontement entre les deux blocs idéologiques. Clubber Lang (rôle qui permit à Mister T. d'être engagé dans L'Agence tous risques) était une bête fauve créée par la misère; cette fois, le méchant sera encore plus impressionnant et sera le produit d'un lavage de cerveau idéologique : Ivan Drago, interprété par Dolph Lundgren (dont c'est le premier rôle important après un petit rôle dans Dangereusement vôtre). Les personnages sont désormais plus des symboles que des êtres humains. Les scènes dramatiques sont à nouveau réduites au maximum et le film ressemble d'ailleurs presqu'à un gigantesque clip sportif, où les chansons remplacent les dialogues. Il est d'ailleurs intéressant de constater l'évolution physique de Stallone qui s'affine et se muscle au fur et à mesure des films : le changement était déjà impressionnant dans Rocky III (où le poids annoncé pour le match final ne ferait pas combattre, dans la réalité, le personnage dans la catégorie des poids lourds mais dans dans celle des poids lourds-légers) et l'est encore plus ici (l'acteur-réalisateur était d'ailleurs à cette époque, avec Arnold Schwarzenegger, le symbole du muscle au cinéma).
Malgré un aspect très caricatural bien qu'inspiré par la réalité (l'Union soviétique est montrée dopant ses athlètes, ce qui hélas était loin d'être faux), Stallone laisse émerger quelques timides nuances sur l'arrogance américaine en montrant Apollo Creed provoquer Drago en conférence de presse pour offrir du spectacle mais également par haine idéologique et en faisant précéder le match Creed/Drago d'un gigantesque show qui tient plus de la foire que du sport. De plus, Stallone termine le film sur un discours visant au rapprochement des peuples et non à leur affrontement (étonnant après un film où les soviétiques sont dépeints comme de froides machines voulant montrer leur supériorité sur les U.S.A.).
Bien qu'il ne semble pas s'être épuisé à écrire son scénario (on est loin de l'intelligence du film original), Stallone utilise son sens du rythme en tant que réalisateur pour faire de son film un divertissement plaisant. En effet, Rocky IV est un film assez bête mais fun par son aspect clipesque cité ci-dessus
(la séquence de la voiture qui devient une compilation visuelle de toute la série)
et par sa mise en scène des matchs de boxe plus irréalistes que jamais mais possédant un côté combats de gladiateurs agréable. Toutefois, il aurait pu éviter facilement certaines incohérences comme celles concernant l'âge de son fils (un problème récurrent dans la saga). Effectivement, la première séquence inédite (vu que comme à chaque fois, le début reprend la fin de l'épisode précédent) est sensé se dérouler juste après le combat à huis-clos entre Rocky et Apollo qui conclu Rocky III. Dans celle-ci, apparait Rocky Jr. qui a incroyablement grandi par rapport à l'épisode précédent. A partir de l'arrivée de Drago en Amérique, les séquences sont sensées se dérouler en 1985 soit 4 ans après mais le fils de Rocky n'a pas grandi (cependant, cette fois, l'âge de l'acteur est cohérent avec les 9 ans du personnage). Prendre deux acteurs différents aurait été une solution évidente mais la crédibilité ne semble plus réellement préoccuper Stallone.
Concernant le côté vidéoclip du film, celui-ci est d'ailleurs accentué par un changement de taille dans l'aspect technique : le changement de compositeur. Pour l'unique fois de la saga (Creed, étant un spin-off non écrit et non-réalisé par Stallone, est un cas à part), Bill Conti ne signe pas la musique et est remplacé par Vince DiCola. Sa composition, basée sur des synthétiseurs et non plus sur un orchestre symphonique, est extrêmement différente et ne reprend pas les thèmes originaux (à l'exception de quelques très rapides notes à la fin) : elle apporte un aspect plus violent et moins subtil à l'image du film. Même si elle reste très marquée par les années 80 et même si elle est loin d'égaler la beauté des thèmes de Bill Conti, cette composition est généralement assez appréciée par les fans pour son aspect fun : on peut même se demander si ce n'est pas le succès discographique d'Eye of the tiger qui a poussé Stallone à choisir une bande originale plus commerciale.
Cette vision mercantile est d'un point de vue économique une très grande réussite puisque Rocky IV demeure le plus gros succès de la saga et le plus gros succès mondial (mais pas aux États-Unis) de la carrière de Stallone jusqu'à Expendables 2 : Unité spéciale qui le battra de peu (score à relativiser malgré tout à cause de l'inflation). Cela s'explique car Rocky IV est un film certes bête mais très plaisant et qui permet d'oublier tous ses problèmes.