L'homme qui rétrécit est le meilleur film de Jack Arnold, supérieur à Tarantula et autres Créatures du lac noir. Adapté du meilleur roman à ce jour de Richard Matheson, sublime chef d'oeuvre de la littérature de science fiction, le film lui est assez fidèle, ôtant seulement la scène d'affrontement avec un oiseau et la présence d'une fille de Scott Carey. D'ailleurs celle-ci, dans le roman éponyme, suggérait l'ambivalence sexuelle du héros victime de métamorphose. Edulcoré, L'homme qui rétrécit l'est à peine, il pose la problématique des problèmes d'identité, d'affirmation de soi. Scott Carey change de monde au fur et à mesure et les relations avec son entourage changent, deviennent problématiques au point de se heurter avec sa femme en raison de sa propre position de faiblesse, de n'être plus à la hauteur, d'assumer son rôle de mari, peut être de futur père, de chef de maison (un domicile qu'il finit par hair). Le film est un peu long à démarrer mais, dans sa deuxième partie, Arnold montre bien les doutes et les complexes d'un homme qui n'en est plus un ("Un enfant qui ressemble à un adulte", voir la scène de la piqûre dans le bras de Scott, en fait dans celui d'un gamin pour le film). Carey cherche ailleurs ses pseudos semblables, en l'occurrence une belle femme naine. Une scène magnifique romanesque à souhait, rompue par un dénouement terrible. La troisième partie, celle où sa petitesse s'accentue est conclue par une scène d'anthologie d'affrontement très réaliste avec le chat de la maison (belle idée humoristique et dérisoire, la petite maison faite ... maison). Projeté dans la cave aux profondeurs insoupconnables, le film prend une autre dimension plus sombre, plus tragique, plus philosophique (allusions à Pascal sur l'infiniment petit). Les rapports à l'objet de Scott Carey évoluent, ces derniers deviennent tout à la fois menacants, protecteurs ou défensifs. Cela confère à cette partie un côté quasi expérimental et initiatique ; Carey doit réapprendre à vivre tout en cherchant à satisfaire ses besoins vitaux (manger, affronter la terrifiante araignée dans une scène stupéfiante). Scott Carey finit par disparaître ou se fondre dans le monde. Les effets spéciaux sont uniques et réalistes. Même le fade acteur qu'est Grant Williams se donne à fond. Digne d'un roman exceptionnel, le film est très réussi et ne s'oublie guère (voir de nombreuses références suscitées, séries, films postérieurs...)