Toujours aussi soucieux de s’appliquer à définir ce qu’est la comédie aux Etats-Unis, voilà Woody Allen s’attaque à ce qu’il connaît peut-être de mieux, le cinéma. En plongeant son scénario aux mains d’une productrice qui cajole un artiste caractériel en lui offrant la possibilité de se refaire par l’intermédiaire d’un script qu’elle a elle-même écrit et qui, sans l’aide d’un professionnel, déboucherai sans doute sur un échec, il tente de jouer sur les rapports de sélection, les choix de casting et l’incompréhension d’un public qui se traduit par l’engouement d’un autre parfois avec lourdeur dans un style proche de la caricature dans le jeu des acteurs rehaussés, heureusement par des phrasés à la limite de l’évolution. La femme du metteur en scène qui va se tremper dans la riche piscine d’un producteur à Beverley Hill ? C’est convenu que ce ne peut qu’être un épisode psychotique dans sa vie. Qu’il soit obligé, plaqué, de boucler ses fins de mois en tournant des pubs déodorants au Canada et qu’il négocie des peaux de bêtes avec un trappeur entre les prises ? Il n’y a rien de déshonorant à cela et nombreux sont ceux qui ont commencé petit, surtout dans les milieux où Orson Welles n’est guère apprécié. Mais qu’il nous fasse le coup des mains qui s’agitent devant les yeux du psycho somatiquement malade de cécité ou qui rate une marche dans le décors pour se retrouver deux étages plus bas, c’est kitch ou cheap comme il vous plaira, mais en tous cas on préfère quand c’est fait par les Marx Brothers, Buster Keaton ou Chaplin, ça fait moins téléphoné. La caméra devient un dard collé sur Woody Allen où il n’y en a plus que pour lui à l’écran, lui si frêle, si à côté, multiplement nominé aux Oscars dont on ne sait toujours pas réellement ce qu’ils nominent, le magna du ciné-psy-show hanté par des convulsions névrotiques s’extirpe assez difficilement de son point de vue cinématographique lorsqu’il se sauve par la petite porte des studios pour grosses productions fleuves lorsqu’un magazine parisien honore de gloire son dernier navet fait par un homme aveugle. Ironie toujours, comme un appel lancé aux étoiles cannoises d’un firmament où ne parviendra jamais Woody Allen. Se croyant au chaud dans un décors de plateau de tournage il se croit en sécurité, mais les «amourettes-tromperies-travail bâclés» ne suffisent pas pour tracer quelque chose de neuf dans le cinéma de Woody Allen qui continuera à plaire aux uns et finir par agacer les autres. Woody Allen voudrait nous donner une impression de profondeur de champ et nous montrer l’ampleur de sa connaissance cinématographique en figeant sur un plan séquence «catalogue» le plateau de tournage et le pied d’une grue oubliant presque qu’il faut la faire bouger cette caméra. Et là, c’est plutôt d’immobilisme dont sait faire preuve Woody Allen et on est loin d’un des plus spectaculaires mouvement de grue de l’histoire du cinéma comme avec Jerry Lewis hissé sur la plate forme du décor de The Ladie’s Man par exemple.
On peut prendre des pilules pour ne pas être mouillé – à force de tellement en bouffer, il doit se dire que cela doit bien exister -, aller se faire soigner un cancer de la peau sous prétexte qu’il faille abréger une conversation téléphonique – l’amant débordé de travail en prod’ se croit ainsi comique -, diriger un plateau de tournage malgré qu’on soit aveugle (cela existe assurément ou existera) et ne pas pour autant faire un bon film. Même si, au demeurant, «ce» Woody Allen est mieux conduit, c’est que sans aucun doute, beaucoup se sont ennuyés aux précédents mais ce n’est pas pour autant un excellent film. Peut-être un bon Woody Allen qui restera toujours envers et contre tous du Woody Allen par lui-même et en lui-même qui, au fond de sa personne, ne pourra jamais s’endormir dans son Hollywood & sur sa Ville qui ne dort jamais, en se marant presque de nous voir s’en bercer jusqu’au profond sommeil à chacune de ses projections en cours de séance. Il ne l’a peut-être pas analysé le cinéma mais il l’a eu et il fait figure d’emblème comme un nounours plein d’Oscars. Je commet sûrement l’erreur de la journaliste du film en me sentant imbu et prétentieux, tout nimbé du pouvoir d’auto destruction qui porte les pires critiques assassines aux vaniteux mais Woody Allen ne peut pas me convaincre étant donné qu’il représente une montagne de balourdise et témoigne d’un manque de fraîcheur dans ce qu’il espère montrer à l’écran et qui se réduit plus à du téléfilm qu’à du grand cinéma. Indéniablement il faut néanmoins reconnaître qu’il se fait à (et en) merveilles, le porte parole d’une Amérique dont chacun des personnages porte le traumatisme de la maladresse et de la société qui vous écartèle entre la centrifugeuse et le bien-être, la fuite ou l’aveuglement, la tension ou la détente. La tension ou la détente ? Pour ma part, j’en garde et en retiens son éventuelle capacité à transformer, non sans un certain alarmisme, les systèmes qui nous entourent et nous confrontent.