Comment se fait-il que malgré les centaines de visionnages le film Les Sous-doués passent le bac reste aussi attachant et délicieux ? C’est comme si le spectateur prenait un tel plaisir devant ces élèves tricheurs qu’il devenait à son tour élève tricheur, revivant ses propres années lycée, ses amours, ses interrogations, son baccalauréat, mais par un prisme différent qui serait celui de l’école buissonnière, de la négligence et de l’imagination foisonnante. Claude Zidi pense la comédie comme une succession de jeux de rôles qui construisent, sur un plan plus large, un rapport à l’institution scolaire et à l’existence où se mêlent rébellion, fainéantise et vertige, résultat de la prise de conscience de passer là les dernières années d’un âge avant d’entrer dans un autre, transition explicitée en clausule par une ellipse. Le comique du film fonctionne à la manière d’une chambre d’échos – un peu comme la machine à claques – où tout, des séquences aux dialogues, est destiné à se répéter jusqu’à produire l’effet recherché : la course de M. Bruce depuis son local jusqu’à la salle de classe, la surdité du vieux professeur, les dispositifs de surveillance, tout cela excite la créativité de la bande de cancres si bien qu’aussitôt insérées dans le récit ces scènes en appellent d’autres, rejouant sur un mode comique ce qui a été vu auparavant. Zidi n’a pas son pareil pour travailler au corps des caricatures : l’Arabe révolutionnaire et son couscoussier – « notre peuple vaincra » –, le Noir aidé au son des tam-tams de son père, les jeunes fils à papas friqués, le policier colérique, les enseignants à la pédagogie toute relative… Son personnel comique est à l’image du contenu des programmes pour les concours : terriblement stéréotypé ; mais à la différence de ces derniers, il possède vitalité, curiosité et ingéniosité. Acteurs survoltés, mise en scène au cordeau, musique mémorable. On ne se lassera donc jamais de Bebel. Ni de Claude Zidi, dont le talent mériterait aujourd’hui plus ample reconnaissance.