Ce film m'a laissé sur ma faim. Le début du film laisse présager du meilleur au niveau de l'atmosphère avec ce grand décor baroque qu'est cette forteresse militaire qui donne l'impression d'être au bout du monde, coupée de toute civilisation, Tout les ingrédients sont présents pour en faire un huis clos fort et prenant. Saut dans le temps, 25 ans passent. Scène de bal sans convives qui fait rentrer dans le vif du sujet où les deux protagonistes principaux (Von Stroheim et Denise Vernac, époux à la ville comme à l'écran), laisse entrevoir une grande lassitude et beaucoup d'aigreur (surtout pour elle) dans ce couple abîmé par les années et l'isolement dû à la vie de garnison sur ce bout de terre désolé et entouré par la mer. Des "vacheries" commencent à fuser, de part et d'autre. L'affrontement, que l'on souhaite traiter à la hauteur des dialogues et du jeu de Denise Vernac, superbe en femme fatiguée et aigrie par la haine, peut commencer. Cette étude de caractères intéressante par son point de vue cynique et désespéré a bien la patte du grand Erich von Stroheim, scénariste et dialoguiste du film. Sauf que la réalisation ne suit pas et n'exploite pas du tout le potentiel cinématographique des lieux et de son atmosphère "angoissante". Techniquement et esthétiquement sans saveur. Montage sans subtilité, rythme plat et statique, parfois soporifique. Le réalisateur se repose quasi exclusivement sur le jeu des acteurs, et ne parvient pas à insuffler à l'écran ce qui transparaît dans les dialogues et le jeu de Stroheim/Vernac. Quelques fulgurances de réalisation, laissant à penser que Stroheim a pu réalisé et monter certaines scènes:
-la scène, terrifiante, où il cravache sa femme, en courant sur les remparts,
-la scène de danse à l'arrivée de Jean Servais (l'ancien amant), où le montage et les champs contre champs frénétiques sur le visage en transe de Denise Vernac, au piano, et la rythme endiablée de cette "Danse de la mort" exécutée par Stroheim, fait monter la tension du film un cran au-dessus. Superbe.
Puis le soufflet retombe, jusqu'à la séquence de fin, déchirante.
Au final, vrai déception. Impression que le sujet n'a pas été exploité comme il fallait.
Une vingtaine d'années plus tard, Pierre Granier-Deferre, en adaptant le même type de sujet avec "Le Chat" de Simenon, traitera de l'usure et des désillusions du couple face aux coups de butoirs du temps et de la fatalité de façon plus maîtrisée et plus profonde, ce qui fera un chef d’œuvre.