Très apprécié dans les festivals d'Europe de l'Ouest et par les critiques dans les années 1965-1975, Miklós Jancsó a ensuite plus ou moins disparu de nos radars. Son nom reste essentiellement associé à un cinéma politique, à un certain regard sur l'histoire de la Hongrie et à des qualités esthétiques. Ses premiers longs-métrages en sont l'illustration, et notamment trois films qui demeurent parmi ses plus connus : Les Sans-Espoir, Silence et Cri, Ah ça ira. Quelques dominantes thématiques : mise en évidence d'une société clivée entre riches et pauvres, bourgeois et paysans, forts et faibles ; auscultation clinique des situations d'oppression, des voies révolutionnaires et des mécanismes de répression. Le scénario des Sans-Espoir nous ramène ainsi au XIXe siècle et relate les manoeuvres de l'armée austro-hongroise, au sein d'un fortin-prison, pour se débarrasser d'ex-révoltés potentiellement encore dangereux : incitations à la délation, provocations, chantages, tortures, exécutions... L'intention de Miklós Jancsó est louable et intéressante. Le propos, implacable et cinglant. Mais il faut bien avouer que le déroulé narratif n'est guère captivant. La succession des scènes de manipulation politique et de violence froide est très répétitive. Le rythme, lent et monocorde. Et l'ensemble, bien sec. Sec car le cinéaste se refuse à tout pathos. Soit. Mais sans émotion exprimée et sans identification de personnages centraux (choix de l'auteur pour cultiver l'idée d'un collectif), le film s'avère peu attachant. On se console avec l'esthétique léchée. Beau noir et blanc signé Tamás Somló (chef op' fétiche de Jancsó durant la première partie de sa carrière), cadrages et mises en scène très graphiques, longs plans-séquences très maîtrisés. Mais il est difficile d'adhérer jusqu'au bout, sans lassitude, à cette austérité narrative...