Maurice Tourneur et son fils Jacques ont quelques grands films à leur actif. "La Main du Diable" de Maurice, le père, est un chef d'œuvre d'autant plus remarquable et saisissant que, au contraire du cinéma fantastique américain qui, à force d'abus d'effets, est un cinéma absolument défait, fait entrer le fantastique dans le quotidien. C'est pourquoi le Diable a l'air d'un agent d'assurance, parce que le fantastique est bien plus saisissant quand il entre dans le quotidien.
Pagnol, dans "La Femme du boulanger", fait dire à l'instituteur, s'adressant au curé, que l'Enfer, c'est la vie quotidienne et René Clair, dans "La Beauté du Diable", fait éclater de rire Michel Simon-Méphistophélès, quand il voit la ridicule représentation que les hommes se font du Diable à trident et pied fourchu !
Le Diable, c'est la division de l'Unité, c'est nous. Et c'est bien ce qui est saisissant dans "La Main du Diable". La puissance de ce film, c'est qu'il fait entrer le diabolisme dans l'ordinaire du monde, dans la vie de tous les jours qui devient le fantastique, sans l'arsenal ridicule des effets spéciaux qui n'impressionnent plus personne.
Fresnay est remarquable et les seconds rôles aussi. C'est cette pléïade des seconds rôles plus vrais que nature, qui a fait la réputation du cinéma français jusqu'aux années 60 (Roquevert, Brochard, Larquey, Ledoux, Deniau, Marguerite Pierry, Pauline Carton, Denise Grey, etc. etc.), parce qu'ils campaient le décor de la rue comme si on y était. Sans aucun besoin de casser de la voiture et de faire sortir des monstres sanglants de la poitrine des acteurs pour saisir le spectateur.
Malheureusement, ces seconds rôles n'ont pas été remplacés. Mais il est vrai que "La Main du Diable" est un film fascinant par le jeu des acteurs et l'économie de moyens. Je ne l'ai revu que deux fois, une fois au cinéma de minuit, et il y a un ou deux ans sur l'une des chaînes ciné adsl, toujours avec plaisir. Il faudra que je l'enregistre.
Castor 2