Le cinéma américain a pris une nouvelle envergure lors du tournant que fut le "Nouvel Hollywood" (1967-1980). Les cinéastes ont pris l'ascendant sur les producteurs dans les studios, et ont pu réaliser des films plus personnels, souvent plus engagés et contestataires. Mais il aura fallu attendre tout de même plus de 10 ans pour que le conflit viêtnamien fut l'objet d'un tout nouvel intérêt. "Coming Home", sorti en 1978, a été le premier film parlant ouvertement de la guerre du Viêtnam, ou plutôt de l'après-guerre. Suivront les célèbres "The Deer Hunter", "Apocalypse Now", et bien plus tard "Full Metal Jacket", "Platoon", ou encore "Né un 4 juillet". On peut d'ailleurs faire le parallèle entre ce dernier et "Coming Home" puisque qu'ils mettent tous les deux en scène des héros paralysés.
Le projet du film est du en grande partie à Jane Fonda qui, dès 1973, voulut faire un film traitant du célèbre conflit. Actrice engagée, elle ne lâcha jamais l'affaire et, après que les noms de Jewison ou Schlesinger furent un temps évoqués pour réaliser le film, Hal Ashby en pris finalement les commandes. 3 oscars récompenseront le long-métrage.
Jon Voight, vétéran paralysé, rencontre une femme restée seule à la base (Jane Fonda), qui fut un amour de jeunesse, alors que son mari interprété par Bruce Dern est parti pour le Viêtnam. Une profonde amitié naîtra entre ces deux êtres, puis une bouleversante histoire d'amour. Le retour au pays du mari, devenu alcoolique et l'ombre de lui-même, compliquera les choses.
A partir de ce sujet dramatique très fort, Ashby filme ses personnages comme des êtres en proie à des questionnements existentiels. Il nous montre aussi, la détresse de tous les vétérans de cette sale guerre. La plupart, brisés moralement et physiquement, se consolent grâce à l'alcool et aux filles de joie. Ils errent sans but, sans réel soutien psychologique suffisant, bien que le personnage de Jane Fonda soit bénévole dans l'hôpital où séjourne Voight. Comment réapprendre à vivre, à accepter son nouveau corps, à aimer à nouveau et surtout à faire cicatriser ses plaies les plus intimes ? Toutes ces questions sont bien sûrs évoquées dans le film mais Ashby n'en a pas forcément les réponses. Il cherche juste à montrer les souffrances, il ne peut se permettre de juger.
Les images très dures des cercueils déchargés par dizaines d'avions cargos en provenance du Viêtnam, viennent nous rappeler à quel point le conflit a été meurtrier. Les hôpitaux des blessés de guerre, surchargés, nous montrent eux, à quel point, ceux qui sont vivants, ne le sont en fait que partiellement. Une partie d'eux-mêmes n'existe plus, depuis le moment où ils sont rentrés au pays. Ashby n'a pas eu peur de montrer les souffrances des "héros de l'Amérique", ces vétérans condamnés à la solitude.
Déchirant, et nécessaire pour mieux comprendre les traumatismes liés à la guerre, "Coming Home" est le voyage au bout de l'enfer d'Ashby, celui de Cimino viendra juste après. Bruce Springsteen a chanté "Born in the U.S.A." en hommage aux vétérans du Viêtnam, Ashby les a filmés pour ne pas les oublier lui non plus.