Ce film au titre improbable est tout en langueurs, petit chef-d'oeuvre sur la débâcle de la guerre, sur son absurdité, et la restructuration de la vie. Il est proche de La Vie et rien d'autre, film de Tavernier sur l'après-guerre de 1920. Les deux ont en commun cette espèce d'ardeur de vivre qui surnage autour d'une univers dévasté, dans sa densité et sa complexité, avec le contraste des émotions violentes, entre la mort et l'amour. Ici, de plus, s'ajoute une espèce de légèreté : la gouaille des soldats et les disputes banales entre copains. Les dialogues sont excellents et les répliques souvent fines, pour appuyer la nébuleuse complexe d'états d'âme et d'esprit des personnages. Ce qui fait la vie quotidienne est à la fois sauf et altéré au milieu de cette guerre : les enjeux, les problèmes et les remords ne sont pas les mêmes. Les personnages divergent, et se distribuent autour d'une ligne de fraction qui est celle de l'hostilité : certains fuient l'ennemi, d'autres comptent s'y adapter, d'autres refusent d'y préférer leur propre camp, etc. Hors de la société civile, dans une période de défaite, les doutes de chacun sont mis à nu, se rencontrent et s'opposent, et c'est la poursuite hagarde de l'existence, l'errement et la fuite en avant, ponctuée la répétition de certains évènements (les attaques de Stukas), martelés par la guerre, qui veut rappeler en les tuant à ces hommes éperdus que ce sont des soldats, comme le dit, en substance, Belmondo. D'aucuns reprocheront au film cette structure en spirale. Aboutissement de cette quête sans objet, attendu mais inéluctable, la fin, loin d'être un cheveu sur la soupe, vient clore nécessairement une anti-aventure à la recherche de sa propre substance.