A l’heure où "Dunkerque" de Christopher Nolan sort dans les salles, je me suis décidé à, enfin, voir ce "Week-end à Zuydcoote", qui relate, également, la fameuse Opération Dynamo qui a tant divisé les historiens par la suite. Et je ne regrette pas tant le film d’Henri Verneuil nous rappelle qu’il est possible, pour un film français, d’être visuellement impressionnant lorsqu’on évoque la guerre. Car, la première chose qui saute aux yeux, dès les premières minutes du film, c’est l’incroyable mise en scène de Verneuil qui impressionne à grands coups de plans dantesques, d’explosions et de figurants par milliers, le tout magnifié par les partitions de Maurice Jarre. Un tel spectacle fait vraiment du bien à l’heure du tout numérique où plus personne n’est impressionnée par une séquence de guerre. Verneuil sait, également, faire ressentir toute l’étendue du désastre de cette évacuation, côté français, à travers ses personnages, magnifiquement bien écrits. La grande idée du film est, bien évidemment, d’avoir confié le rôle principal à Jean-Paul Belmondo, faisant ainsi de son personnage de jeune soldat bien plus que le référent du public qu’il semblait promis à être. Avec le grand Bébel, le jeune Maillard est un monstre de charisme et d’humour qui traverse le désastre ambiant avec une décontraction qui apporte une légèreté salvatrice au récit, sans, pour autant, en désamorcer la tension. Le personnage fait, d’ailleurs, montre d’une belle complémentarité avec les autres personnages, tout ce beau monde permettant d’offrir au spectateur un spectre assez large des réactions lors de l’évacuation. Des petites combines aux actes monstrueux en passant par la camaraderie qui s’invite même en enfer, chaque personnage offre une facette du désastre qui fait avance le récit dans un rythme, mené tambour battant. Les seconds rôles sont, à ce titre, épatants et compte quelques-unes des grandes gueules de cinéma des années 70 (Jean-Pierre Marielle en classieux abbé-soldat, François Périer en bon copain, Georges Géret en fou de guerre, Pierre Mondy en magouilleur…). "Week-end à Zuydcoote" est, donc, une petite merveille… pendant ces deux premiers tiers ! En effet, le récit a malheureusement tendance à s’enliser lors du dernier tiers. Est-ce la faute au rythme tenu jusque-là ou de difficulté du scénario à se renouveler au bout d’un moment ? A moins, tout simplement que le responsable soit, tout simplement, le durcissement (inévitable) du ton du film, qui perd énormément de légèreté. C’est dans ce dernier tiers que la mort, qui planait jusque-là au-dessus de la tête des personnages, devient très concrète. Certains soldats restent ainsi sur le carreau et
le héros en vient même à tuer des français
. Plus gênant, le film se montre, à tout le moins, ambigu (pour ne pas dire dérangeant) dans
le "passage à l’acte" entre Maillard et la civile Jeanne (Catherine Spaak) qui refuse de quitter sa maison. Plus proche du viol que de la relation pleinement consentie, cette scène vient considérablement attenter au capital sympathie du héros, tout comme la façon dont le film tente d’en relativiser la gravité par la suite. Certes, le film date de 1964 (et le roman de Robert Merle dont il est tiré de 1949) mais j’avoue ne pas forcément avoir saisi l’intérêt scénaristique de cette scène…
A cette réserve (non négligeable) près et malgré ce dernier tiers en dessous, "Week-end à Zuydcoote" reste un film à la puissance visuelle impressionnante et au récit passionnant. C’est à se demander pourquoi il n’est pas davantage cité lorsqu’on évoque la filmographie de Bébel… A redécouvrir donc !