L’ambiguïté était le maître-mot des premiers épisodes de cette trilogie qui ne savait pas toujours comment traiter ses personnages. Cette fois-ci plus d’erreurs là-dessus, il faut conclure et il faut le fait vite et efficacement. George Lucas fait le plein des ressources qu’il lui reste pour bâtir le pont solide qui unit deux trilogies et deux générations Skywalker. L’appel de l’émotion est enfin présent et pertinent dans cet acte final qui boucle la boucle. Il est étonnant de voir comment la réception du film évoque la nostalgie, car nous somme si proche de la trilogie que nous tenons énormément aux enjeux que l’on peut anticiper, mais qui auront une tout autre dimension sur les écrans. Nous n’irons pas jusqu’à dire que tout est bien ficelé, mais il faut reconnaître une nette évolution, tant sur le montage que sur la mise en scène. Ce sera un peu juste sur des dialogues qui vont droit au but et qui nous larguent après une ellipse capitale sur la guerre des clones.
L’ombre des Sith plane au-dessus de l’arrogance des Jedi et exclure Anakin de l’équation n’aurait pas de sens. Il est évident que le basculement du jeune marié sera le sujet d’une intrigue qui s’épaissit à vue d’œil. Son rapprochement avec Padmé et la confusion qui s’est engrainée depuis la mort de sa mère son des facteurs que l’on estime déjà puissantes pour comprendre les enjeux. Mais ce sera bien le pragmatisme et la fourberie du Chancelier Suprême Palpatine qui sera le vecteur d’une chute, sur tous les fronts de la République. La démocratie est soutenue par une minorité, comme pour signifier que le chaos règne dans la galaxie, à l’image de nous autres terriens, ne sachant pas cohabiter physiquement ou d’une quelconque manière. Nous nous exprimons à travers la guerre, les conquêtes et l’influence. Le jeu de pouvoir change les rapports de force, à commencer par des conflits internes aux gardiens de la paix. Le doute et le manque de confiance restent un détail soigné, qui provoquera nos héros qui feront face aux conséquences de leurs actes. Et ce sera dans un élan numérique conséquent et plutôt séduisant que l’on découvre de nouveaux environnements, saccagés par une culture extérieure, qui deviendra par la suite l’Empire.
Anakin verra donc cette évolution au prix de son impulsivité et de son immaturité regagnée, dans des derniers instants de faiblesses, donnant ainsi raison à la naissance du mal. À l’opposé, nous avons un Kenobi en phase avec Alec Guiness, la vigueur en plus, qui constitue la neutralité des affrontements, entre guerre et trahisons. Lui-même est une victime, mais lumineuse, contrairement à un Yoda qui manque de sagesse et de clairvoyance. Et c’est dans cette dualité que la patience se retourne contre les plus divisés. L’épisode ne brille pas pourtant sur tous les critères, car ce sont les thèmes forts bordés, qui nous bordent. Ce sera dans le travail du rythme qu’on peut espérer trouver du réconfort, car l’esthétique est sans doute excessive par moments, à défaut d’éblouir par un arrière-plan symbolique. Les ultimes affrontements sont le reflet d’un sénat qui cherche une rédemption ou celui de deux frères, dont la complicité n’est plus à démontrer, qui cherchent à raisonner l’autre. Plusieurs niveaux de lecture se dessinent sur le plan sociétal et humain. Le fait que l’humain doit remplacer la machine, mais que le système qui les entretient est un équivalent, laisse penser que le rouage persiste tout en changeant de forme. De même, la Force est détournée pour aveugle des héros hésitants et trop passifs pour oser s’en détacher. Chacun est dans une prison mentale qui conditionne une maladie apocalyptique. L’impact que cela aura sur l’entourage est le moteur d’un opus plein de bons sentiments, malgré quelques maladresses qu’on ne manquera pas d’effacer.
« Star Wars La Revanche des Sith » est donc l’aboutissement de plusieurs années de travail, mais il aura fallu passer par de l’inquiétude et du remords ? Le film tombe à pic, mais passe aussi à côté de quelque chose de plus grand, que l’on aurait pu rectifier convenablement dès l’épisode II. Mais il faut se satisfaire de ce que l’on a, entre une romance et une tragédie. Un homme est torturé devant ‘impuissance du destin et est manipulé pour incarner la terreur et la solution dans une guerre qui n’est autre qu’un maquillage. Il est esclave de sa volonté et de sa passion, comme tout être humain, mais il fallait bien nuancer les propos, passé un certain acte qui le rend si malveillant. C’est ainsi que l’on recoupe avec tout un ensemble sur six chapitres distincts mais intimement liés par le destin de la famille Skywalker. Le combat de cette génération est une affaire de famille, qui trouvera la délivrance dans des liens que l’on a gâchés dans un premier temps. La légende prend la forme et offre la sensation du grand, de l’horizon palpable, en repensant à une œuvre venue d’une autre galaxie et qui résonne à la fois comme une transition et une conclusion.