Fraîcheur subtile, finesse, légèreté caractérisent les films de Max Ophuls, cinéaste inclassable et d'une grande indépendance d'esprit, qui furent tous un enchantement pour le spectateur. Ophuls aime les histoires en costumes, les décors somptueux, les ambiances raffinées, les objets, au point que ses personnages paraissent emprisonnés dans ces cadres scintillants et parfois surchargés, qui leur servent de miroir et semblent leur renvoyer le reflet de leur propre vacuité.Car, chez le cinéaste, les objets ont presque autant d'existence que les personnes, tout concoure à créer une atmosphère propice au déroulement d'une intrigue qui oscille entre réalité, fiction et artifice.
Cet art de la mise en scène, ce style élégant sont ceux d'un marivaudage brillant, mais qu'une seconde lecture ouvre sur une réflexion plus profonde, voire pessimiste. La Ronde est manifestement une interrogation sur l'amour. C'est lui qui mène la danse, cette valse viennoise pleine de grâce et de désinvolture.Et, cependant, tout cela n'est-il pas tragique, sorte de danse macabre écervelée et insouciante, où l'érotisme rejoint la mort, la frivolité le désespoir ? En définitive, les personnages, faussement joyeux d'Ophuls, éphémères et presqu'irréels, pris de vertige et d'angoisse, car appartenant à des époques révolues, sont condamnés à une mort imminente et se trouvent au bord du gouffre qui va les anéantir.Ainsi vont les 11 héros de La Ronde, suite de brefs récits présentés par un meneur sous forme de tableaux et interprétés par des acteurs éblouissants. Parmi eux, Danielle Darrieux, Simone Signoret, Serge Reggiani, Daniel Gélin.Ils contribuent à faire de La Ronde un chef-d'oeuvre de bon goût, où la poésie ne cesse d'être présente dans cette variation féerique sur le thème éternel du désir.