Downhill (trad. La descente, mais en titre française C’est la vie), est un film muet anglais de 1927 réalisé par Alfred Hitchcock, basé sur une nouvelle du touche-à-tout Ivor Novello qui en sera l'acteur principal. Renouant avec son thème de prédilection de l’innocent accusé, le réalisateur retrace comment, par loyauté vis-à-vis d’un ami étudiant qu’il ne dénoncera pas, le héros, fils d’une bonne famille, entre dans l’engrenage d’une dégradation sociale, puis physique au dernier palier.
L’histoire : Accusé à tort d’un larcin, à la place de son ami, par une jeune domestique qui en veut surtout après son argent (elle avait d’ailleurs tenté de le séduire à cette fin, comme l’illustre le vinyl titré « je veux de l’argent » qu’elle fait tourner), il est renvoyé de l’école, puis du domicile familial (dont le père verrouillera symboliquement la porte). Le héros déambule alors, et sa lente descente débute, à l’image de cet escalator qu’il emprunte pour accéder au métro souterrain. O
n le retrouve jeune acteur de théâtre ; et amoureux de la jeune vedette de la pièce où il joue. Celle-ci a déjà un amant, qui lui reproche ses dépenses folles, et qui la « cède » facilement au jeune héros quand celui-ci l’épouse après avoir touché un très important héritage d’une tante. Malheureusement, le train de vie dispendieux de l’actrice met rapidement ses comptes à découvert, ce qui n’empêchera pas l’ingrate de le cocufier avec son amant initial. Sans le sou, on le découvre ensuite comme gigolo dans un local au Moulin rouge parisien, où pour quelques billets, il prête son corps sur une piste de danse à des femmes esseulées. A une table, il est séduit par une femme dont le discours est proche de son ressenti et de son vécu ; l’étincelle qui apparaît dans ses yeux disparaît cependant rapidement lorsqu’il réalise la laideur de celle-ci à la lumière du soleil (ressemblant à un travesti, même s'il s'agit bien d'une actrice - Violet Farebrother-). On le découvre ensuite agonisant sur un lit, dans les bas-fonds marseillais, où des dockers marginaux vont toutefois prendre soin de lui et le ramener à Londres. Sur le bateau, dans son délire, le héros revoit les visages de son père, puis de ceux qui l’ont perdu financièrement, se distribuant son ancienne fortune et se gaussant de son malheur). Il retournera alors chez ses parents fous de joie de le retrouver, le père ayant appris la vérité sur son renvoi à tort, et lui présentant ses excuses.
Hitchcock, peut-être encore davantage que dans ses précédents films, use de procédés techniques à des fins symboliques. Si son premier travail dans le monde du cinéma portait sur les intertitres, il jouera avec ceux-ci : ainsi des initiales retracent un chemin au bout duquel se trouve un fanion -allégorie du récit initiatique du film-, ou la somme de 300 000 livres apparaît à deux occurrences, mais avec une taille de caractères bien moindre la seconde fois, imageant la fortune dilapidée par sa femme. De même, l’angoisse éprouvée par les étudiants est mise en perspective par la profondeur du bureau du proviseur dans lequel ils avancent. Ou encore la vue inversée du personnage principal, quand l’actrice qu’il épousera, la tête renversée, le voit dans l’embrasure de sa porte, symbolise intelligemment l’intérêt opposé qu’elle lui portera après l’héritage qu’il vient de toucher. Le réalisateur joue également avec une mise en abîme qui trompe le spectateur, lors d’une scène de service à une terrasse qui s’avèrera finalement être une scène de théâtre ! Enfin, l’enchaînement rapide des plans de rues londoniennes au retour du héros met en exergue le caractère trépident de la capitale.
Hitchcock ne se départit également pas de son humour : les enfants qui rappliquent avec un demi-penny chacun pour avoir une boîte de friandises après que l’un d’eux en ait obtenue une à ce prix, le héros qui « joue » le nouveau riche mais qui n’a pas les codes (exemple du cigare), l’actrice qui sauve avant tout son vase pendant la bagarre de son mari et de son amant, ce dernier reprenant ses esprits devant une tête de peluche sur laquelle il éternue…, ou encore la femme ronde à Marseille vidant une bouteille d’alcool au goulot.
Downhill est donc un film hyper symbolisé, matière à réflexion sur la condition humaine. On pourra reprocher avec notre regard du XXie siècle l’image donnée aux femmes présentées ici comme vénales et donc à l’origine de la perte du jeune homme. Ce film est de bonne facture, qui plaira aux personnes amatrices de l'intelligence de la réalisation, peut-être moins à ceux qui en attendent le suspens hitchcockien de ses principaux chefs d’œuvre.