Avis sur Rêves de femmes

Une grande réussite de Bergman qui maitrise parfaitement son art. Le film n'a pas vieilli, son identité suédoise est estompée et il évite le coté obsessionnel d'autres oeuvres. L'intrigue qui tourne un peu court se révèle cependant ironique à souhait.

Qui dit "Rêves de femmes" dit forcément au moins deux femmes, ce qui est le cas elles sont deux donc on suit deux femmes dans des escapades dont on devine dès le début qu'elles seront loin d'être satisfaisantes, mais si le ton est au pessimisme on ne vire pas dans la noirceur, juste dans le réalisme ; la vie n'est pas toujours réjouissante mais c'est comme cela et c'est une raison de plus pour mieux profiter des petits bonheurs. Pour ce qui est de la sublissime Harriet Andersson, plus on regarde de films de Bergman avec cette sublime comédienne plus on s'aperçoit que le réalisateur a dirigé non pas une Harriet Andersson mais plusieurs, sa capacité de transformation physique étant assez impressionnante. Ici on a affaire à une Harriet Andersson ravissante, élégante, sophistiquée, à qui les robes de grands couturiers vont à merveille ; on pense même carrément à la divine Audrey Hepburn dans le chef d'oeuvre romantique "Vacances romaines". Le côté vadrouille de l'histoire de son personnage ne fait que renforcer cette impression. La partie où elle joue est la meilleure, la mieux écrite, la plus profonde de l'ensemble surtout qu'elle est face à Gunnar Björnstrand, très convaincant en vieillard désabusé. Ce qui fait que la partie qui vient après avec Eva Dahlbeck donne l'impression d'être fade à côté et même en trop. La partie avec Harriet suffisait à elle seule à faire un film. Un petit Bergman qui vaut un détour pour cette dernière et parce que ce drame féminin élégant n'a pas vieilli.

Ingmar Bergman ne soulignait jamais : il suggérait des idées sur les sentiments de ses personnages. Rêves de Femmes ( réalisé la même année que Sourires d'une Nuit d'été ) nous entraîne une nouvelle fois dans leur intimité : désir et passion , possession et jalousie, frivolité... Deux femmes au comportement divergent en quête du même idéal : l'amour. Enoncée de cette manière, on pourrait s'attendre à une intrigue sentimentaliste... Mais il n'en est rien, car le cinéaste savait diriger ses actrices avec nuance et méticulosité. Il est d'ailleurs incroyable de constater que l'épuration rime ici avec profusion : celle des émotions et des sentiments. Bergman allait directement à l'essentiel : au coeur de l'âme humaine, dans cette zone où l'Homme apparaît comme un être mesquin mais attachant, de fière allure mais fragile ( en cela, le personnage joué par Harriet Andersson est significatif ). Un très beau film, encore et toujours, servi par d'excellentes actrices et d'excellents acteurs. A voir de toute urgence...

Directrice d'une agence de photographies de mode, Suzanne quitte Stockholm pour Göteborg, dans le but d'y faire un reportage. Elle est accompagné de Doris, une jeune mannequin de son agence.

C'est avec justesse et réalisme qu'Ingmar Bergman dresse ces deux portraits de femmes qui s'entrecroisent. Quand l'une rouvre un chapitre de son passé qu'elle pensait clôt, l'autre découvre un nouvel admirateur. Les premières scènes nous emmènent dans le milieu de la mode où, dès ce début, le réalisateur suédois met en scène l'illusion de la vie et l'importance de l'apparence.

Alors, le petit reproche que j'aurais à faire à "Rêves de femmes", viendrait que les deux portraits sont assez inégaux. Si celui de Doris est aussi intrigant que riche et touchant, celui de Suzanne paraît moins puissant et même intéressant, sans pour autant que ce soit préjudiciable pour apprécier le film. Bergman va à l'essentiel et c'est avec dramaturgie, émotion et fragilité qu'il nous fait vivre ces deux tableaux. Il met ses personnages face à la solitude, l'amour et sa perception et tout simplement la vie, sans lourdeur ou exagération, mais ce qui peut paraître comme des petits aléas ou le sentiment, ou non, d'être passé à côté d'un élément important.

Toujours juste dans l'écriture, Bergman se permet d'apporter quelques touches de légèretés au récit et laisse planer l'ambiguïté sur les enjeux et personnage, notamment le vieillard. Il sait prendre son temps lorsqu'il le faut et plusieurs scènes sont assez remarquables à l'image de l'introduction ou de la séquence chez l'homme plus âgé où Bergman montre toute sa maîtrise derrière la caméra. Bénéficiant d'une belle photographie en noir et blanc, il nous transporte au cœur de Göteborg et dévoile tous ses talents de directeur d'acteurs où la belle Eva Dahlbeck donne un sentiment de mélancolie à son personnage et la ravissante Harriet Andersson une fraîcheur, une insouciance et une élégance rare au sien.

Bergman dresse deux portraits de femmes où elles vont se retrouver face à la vie, sa violence, sa simplicité et ses aléas, ne manquant ni d'intérêt, ni d'émotion.

Indéniablement, un beau film où Bergman s'interroge avec lucidité et introspection sur la femme, matrice thématique essentielle de son univers, dans lequel l'onirisme qu'il crée est sans cesse contrebalancé par de violentes ruptures de ton. Une réussite.

Les protagonistes sont des jeunes femmes (incarnées par Eva Dahlbeck et Harriet Anderson), mannequins de profession, que l'une de leurs tournées amène à Göteborg, un port de province, où elles passent leur journée à côtoyer toutes sortes d'hommes qui ne sont pas faits pour elles. Le soir, dans la solitude de leur chambre d'hôtel, elles se trouvent face à elles-mêmes, remettant alors en question l'amour et la nature des rapports humains... Un film grave, bien que traité sur le ton parfois léger d'une comédie de moeurs. La scène la plus bouleversante est assurément celle où la jeune fille présumée innocente (magistralement interprétée interprété par Harriet Anderson, alors à ses débuts) se rend chez un vieil homme nourrissant à son égard des rapports plus qu'ambigus, autorisant entre ce dernier et elle un malentendu qui culminera sur une explication des plus violentes. A voir absolument pour le jeu des interprètes.