Pour ma part, première incursion dans le cinéma de Kieslowski avec ce métrage qui paraît-il est représentatif du bonhomme ! Je le dis de suite, l’interprétation m’a vraiment convaincu. Comme souvent dans les films d’Europe de l’Est de cette époque, les acteurs sont très investis, ils ont une lourde expérience dans le théâtre, leur propre expérience aussi de l’histoire trouble de leur pays, et ça nourrit un jeu épais, varié, profond qui transparaît clairement ici, surtout avec les interprétations brillantes de Grazyna Szapolowska et Aleksander Bardini. La première porte le film sur ses épaules et impose son personnage et les ambiguités complexes du deuil au milieu d’une histoire qui, il faut bien le dire, est nettement moins convaincante ! En vérité, le film ne raconte pas grand-chose. Le réalisateur a surtout tourné des courts, et ça se sent. Il étale ici sur près d’1 heure 50 un propos qui aurait été largement mieux tenu en 30 mn. Il imbrique deux histoires, une intime et personnelle qui concerne l’héroïne, et une plus politique et judiciaire autour de l’avocat et de son client. Kieslowski veut parler de deux choses avec assez peu de rapports intrinsèques dans un seul film, et là est le souci. L’affaire judiciaire n’est pas vraiment passionnante, et de surcroît, je ne sais pas si c’était la meilleure manière d’aborder le contexte politique du temps car on en voit finalement pas grand-chose. Reste l’affaire intime, qui questionne le deuil, et là, c’est mieux, mais en définitive ça représente tout juste la moitié du film. Le réalisateur va de l’une à l’autre partie et comme cela il arrive à 1 heure 50, mais le sentiment d’un 2 en 1 un peu facile se fait sentir trop souvent. En sus, le réalisateur développe quelques lenteurs, il étend ses scènes, et même si le film n’est pas foncièrement ennuyeux, il sonne quand même comme trop long pour ce qu’il raconte. On sent que le réalisateur voulait faire une fin puissante et poétique, c’est réussi, mais que pour ça il a un peu laborieusement parcouru le chemin en amont.
Heureusement, visuellement il y a une certaine recherche, notamment dans l’usage des couleurs, toujours brunes, beiges, marrons, grises, le soin apporté au détail réaliste, au son, à la musique qui est toujours employée très à propos sous des formes variées. La réalisation est propre, un peu lancinante mais élégante et pleine d’idées poétiques très caractéristiques du cinéma d’Europe de l’Est et de son regard sur la vie. Le film d’ailleurs a une esthétique symboliste à côté de son réalisme, et flirte vers un fantastique sobre bien employé.
En clair, ce film est une première incursion plutôt convaincante dans le cinéma du réalisateur qui semble cependant encore patiner un peu dans la gestion d’un scénario de long-métrage. Toutefois, cela n’enlève rien à l’interprétation convaincante, au travail formel certain et à la puissance de plus d’une scène, en particulier celles concernant Grazyna Szapolowska. 3.5