Ce qu’il convient de dire en premier lieu est que "Eternal Sunshine of The Spotless Mind" est un film d'amour d'une beauté pure, une œuvre cinématographique particulièrement originale, qui sort des sentiers battus. Dans ce film, Joel (Jim Carrey) est dépité. Son amoureuse Clémentine (Kate Winslet) a décidé d’effacer de sa mémoire tout souvenir qu’ils partageaient ensemble avec l’aide de la société Lacuna. Il décide alors de faire la même chose afin de s’éviter toute douleur liée à elle. Mais pendant le processus d’effacement, il se rend compte qu’il ne veut plus l’oublier... "Eternal Sunshine of The Spotless Mind" est la rencontre entre deux esprits d’une imagination débordante : Charlie Kaufman et Michel Gondry. Le premier est un scénariste de talent, dépeignant avec brio l’esprit humain, souvent sur un ton absurde ("Dans la peau de John Malkovich"). Le second est un réalisateur de clips aux visuels marquants. L’union de ces deux personnalités fortes sur un thème aussi complexe que l’amour ne pouvait que mener à un résultat unique. "Eternal Sunshine of The Spotless Mind" est ainsi un trésor aussi bien visuel que narratif. Abordant son couple avec une écriture des plus réalistes, le film aborde le besoin d’avancer, difficile mais nécessaire. Il y a évidemment quelque chose des plus tentants dans la proposition du docteur Howard. En effet, la vie ne serait-elle pas plus facile si l’on pouvait oublier les histoires qui nous ont affectés, les personnes qui nous ont blessés ? Pourtant, ce sont ces blessures qui nous construisent, qui font de nous les femmes et les hommes que nous devenons. Chaque rencontre, bonne ou mauvaise, a son impact dans notre existence et les renier ne ferait que nous endommager bien plus que les accepter. Dans ce long-métrage qui est l’un des meilleurs de Michel Gondry, le ton est donné dès le début. On sent très rapidement une mélancolie bien ancrée qui sera présente tout le long. Cette dernière traitée avec intelligence et finesse est interrompue quelquefois par des passages comiques, tout à fait salutaires. La morosité est également au rendez-vous dès les premières images. Elle est tout d’abord personnifiée par la gare et les trains, ces derniers qui retranscrivent une routine âpre et ennuyeuse. Elle sera également palpable par le biais de scènes intelligentes et éloquentes, qui traduisent la banalité du quotidien dans lequel sont plongés les gens par habitude. L’hiver et le froid très présents viennent alourdir une atmosphère déjà bien cafardeuse. Ce climat fait de "Eternal Sunshine of The Spotless Mind" un film profondément réaliste car les moments du quotidien sont saisis et rendus dans leur vérité. Et au milieu de cette grisaille, une fantaisie des plus agréables vient pointer le bout de son nez. L’une des grandes qualités du film est d’être parvenu à ce mélange doux-amer savamment dosé, qui ne penche jamais complètement d’un côté ou de l’autre. En effet l’équilibre est toujours trouvé entre le beau et le laid, la douceur et l’agressivité ou encore le pétillant et le monotone. Tout ceci nous offre un magnifique clair-obscur, qui ne tombe pas dans la facilité ou dans le surfait, mais qui toujours transpire l’amour, et surtout la tendresse des sentiments. Paradoxalement, cet amour est également accompagné d’une profonde détresse, formidablement rendue dans la réalisation, tout ceci grâce à une mise en scène puissante et prodigieuse qui porte haut les sentiments humains. Ce mélange d’atmosphères est sublimé par un jeu d’acteur époustouflant qui sert magnifiquement le long-métrage. La fantaisie est merveilleusement incarnée par la pétillante Clémentine, jouée par une Kate Winslet en grande forme. Cette dernière comparée à une météorite tente de briser la froideur et l’ennui des vies humaines, parfois empêtrées dans la routine des automatismes. Cette légèreté vient s’opposer frontalement et se mêler à une dure réalité, parfois glaciale. Le côté terre à terre est représenté par Joel, interprété par un Jim Carrey méconnaissable dans un rôle à contre-emploi. À la fois pudique, juste et sobre, il explose ici dans un rôle de composition. Touchant à souhait, il parvient à retranscrire avec authenticité la puissance des sentiments, avec la thématique de la perte en tête. Jim Carrey est certainement ici dans l’un de ses plus beaux rôles. Le casting général est de toute façon tout bonnement bluffant. "Eternal Sunshine of The Spotless Mind" est un film infiniment poétique. Une poésie poussée au paroxysme lors de certains passages, offrant un lyrisme vibrant qui touche parfois à la magie. C’est également un film de science-fiction tout à fait singulier. L’histoire est une course-poursuite contre le temps, mise en abîme par une mise en scène prodigieusement originale. Le temps n’est plus linéaire, les images sont désordonnées, ce qui contribue au chaos ressenti. Un chaos finalement hautement symbolique du bric-à-brac qui peut résider dans les têtes, souvenirs et pensées confondus. Tout autrement symbolique est cette métaphore de la tête qui voudrait contrôler le cœur, mais qui échoue à plate couture. Mais avant toute chose, "Eternal Sunshine of The Spotless Mind" est une romance au sens large. Nous avons là un long-métrage mené d’une main de maître, celle d’un réalisateur habité et passionné, mais surtout honnête, qui illustre un scénario prodigieux du maître Charlie Kaufman ("Dans la peau de John Malkovich", "Adaptation"…). Un film qui invite à la réflexion, la tolérance et l’écoute, et qui sert brillamment un propos profondément humain. Le moment présent est chéri et le souvenir est vu comme un trésor inaliénable et inébranlable. Au final, jamais l’on ne s’ennuie devant cette perle. "Eternal Sunshine of The Spotless Mind" est absolument sublime de bout en bout, avec un final servi sur un plateau d’argent par une scène d’acteurs somptueuse. Le tout est rythmé par une bande-son complètement raccord, signée Jon Brion. Du sordide au sublime, entre spleen et légèreté, c’est un ovni qui ne ressemble à aucun autre. On peut même dire que le cinéma n’a certainement rien produit d’aussi romantique au sens noble du terme, depuis un paquet d’années. Le réalisateur Michel Gondry nous plonge dans ce questionnement existentiel des plus Kaufmaniens avec un plaisir des plus prégnants. Jouant aussi bien sur la couleur, le montage, la taille de ses décors et sur des détails par milliers, le réalisateur nous offre une de ces réjouissances visuelles des plus marquantes sans plonger non plus dans le trop plein envahissant. On sent la joie de Michel Gondry de nous immerger dans son style visuel mais sans nous faire oublier son récit. Tout apprenti(e) réalisateur/réalisatrice à l’esprit imaginatif peut trouver dans le film de quoi apprendre à gérer à merveille sa patte visuelle sans s’aliéner ses spectateurs. Une autre réussite du film est son casting, et particulièrement son duo principal. Jim Carrey et Kate Winslet trouvent dans des interprétations opposées à leurs habitudes l’un de leurs meilleurs rôles. Il se dégage d’eux une sincérité des plus humaines, collant à l’écriture de Kaufman et évitant le stéréotype dans lequel tant de scénaristes plongent. Les seconds rôles aussi sont de grande qualité, liés à l’intrigue de manière inhérente (l’amoureux voulant copier Joel, la révélation sur Mary). Je ne suis pourtant pas le plus grand fan des films de romance, même si j’en apprécie quelques-uns, mais "Eternal Sunshine of The Spotless Mind", c'est une histoire intelligente et bien écrite. Autant "500 jours ensemble" était une invitation à ne pas vivre dans le passé et à profiter du moment présent, autant "Eternal Sunshine of The Spotless Mind" c'est un rappel au souvenir et à l'apprentissage. Après une rupture difficile, on a tous voulu plus ou moins effacer la personne aimée de notre esprit, n'en garder aucun souvenir en se disant que tout serait pour le mieux. C'est le même postulat de Joel, personnage principal, qui décide de faire appel à une clinique qui lui promet d'effacer ses souvenirs, mais lors du processus il se rend compte de sa bêtise et tente d'inverser le processus. C'est là que le film montre toute sa qualité d'écriture où au lieu de montrer simplement les bonnes choses, il fait un habile mélange entre les bons et mauvais souvenirs. C'est ça dépeindre la réalité de la vie et des relations : ce ne sont pas que des bonnes expériences ou un cocon parfait. Tout est fissuré et on répare les morceaux avec plus ou moins de réussite selon les situations, mais malgré tout on chérit bien plus la tasse qui a vécu, qui a un passé que la tasse vierge de toute expérience et bien trop propre. Le film nous met face à nos réactions lors d'une rupture : le désir d'oublier et de cracher son venin sur l'autre via les cassettes d'entretien avant l'opération. Cependant il ne bascule jamais dans le cliché, ni même le pathos, c'est toujours juste et intelligent. Le film s'accorde aussi quelques moments plus humoristiques qui fonctionnent bien et s'insèrent toujours bien dans la continuité du récit. La fin est touchante et (toujours) juste. Elle invite le spectateur à tenter des expériences, même s'il sait que ça n'ira peut être pas jusqu'au bout, mais au moins il vivra et grandira avec. En ce qui concerne la psychologie des personnages, on ne peut déjà que s'attacher à Joel et s'y reconnaître si on est du style solitaire et gauche avec les gens, ce personnage qui retrouve une bouffée d'air avec celui de Clémentine. L'alchimie, comme les désaccords, fonctionnent bien entre les deux et on y croit de bout en bout. Les autres personnages, si au départ assez secondaires, deviennent de plus en plus intéressants au fur et à mesure du film. Ils servent à montrer les dérives d'un tel système. Pour ce qui est de la réalisation, là aussi c'est du tout bon. Beaucoup d'idées ingénieuses se retrouvent dans chacun des plans ayant trait à la suppression des souvenirs. Alors oui, en 2019 certaines techniques sont éculées, mais il faut avoir en tête que le film date de 2004 et donc pour l'époque ce sont d'excellentes trouvailles. Michel Gondry sait aussi rendre vivantes et intenses quelques petites scènes du quotidien. La relation entre Joel (Jim Carrey) et Clémentine (Kate Winslet) fonctionne aussi parfaitement ! En conclusion, "Eternal Sunshine of The Spotless Mind" est un magnifique film qui sait à la fois toucher le spectateur, mais aussi lui transmettre un message de vie important. Le scénario est écrit avec passion et justesse. Les acteurs sont excellents (j'ai aussi beaucoup apprécié Kirsten Dunst, Tom Wilkinson et Elijah Wood) et les différentes alchimies entre les personnages fonctionnent parfaitement. Du tout bon ! "Eternal Sunshine of The Spotless Mind" constitue donc un immanquable pour tout amoureux de cinéma en quête de trésor visuel et narratif. C’est une œuvre des plus humaines et des plus belles avec sans aucun doute l’un des couples les plus marquants et les plus touchants peints sur grand écran. Surtout, le film de Michel Gondry nous pousse à avancer dans notre existence, à faire fi des malheurs et mieux se les approprier pour devenir la personne que l’on souhaite devenir, celle dont l’on pourra être fier lors de nos dernières heures, et à aimer passionnément ceux qui comptent à nos cœurs. Sans doute LE meilleur film de romance au monde, à voir absolument