Nausicaa.... avant même que ne commence le film, j'étais séduit par la musicalité de ce prénom, imaginant la magie Miyazakienne conjuguée à l'univers mythique et éternel d'Homère.. « Nausicaa de la vallée du vent », est le deuxième long-métrage de Hayao Miyazaki, et premier succès qui a rendu possible la création du fameux Studio Ghibli. Et même plus de vingt ans après, le long-métrage d’animation conserve la même puissance et la même poésie. Dessin-animé adapté de son propre manga, Nausicaa n’en reste pas moins fascinant pour tous les publics et tous les ages. Il nous invite dans un monde futuriste où les hommes ont été vaincus par leur environnement, où ils ne peuvent plus respirer partout et vivent dans la crainte d’attaques d’insectes géants. Dans ce contexte arrive la figure de Nausicaa, la sauveuse, la médiatrice, celle qui va redonner l’harmonie entre l’homme et la nature. Derrière ce personnage, on peut trouver deux sources. D’abord« la princesse qui aimait les insectes » : une fille avec fort intérêt pour les bébêtes et pour qui l’intérieur est plus important. Et ensuite l‘Odyssée d’Homère : la princesse Phéacienne qui a recueilli Ulysse qu’elle trouva nu évanoui comme sortant de la mer. La princesse d’un peuple marin, ou presque. Que devient cette princesse plusieurs millénaires après ? Une femme qui possède l’étrange pouvoir de comprendre la nature, les animaux, l’environnement.
L’enjeu dramatique du film vient de la différence entre Nausicaa et la plupart des autres humains, des adultes. En effet ceux-ci ont une toute autre réaction face à la nature et aux créatures étranges : la peur. Et cela est combiné avec de la violence, des armes, des guerres.
Cette folie destructrice se retrouve par exemple dans le personnage de Kushana. Cette femme agit plusieurs fois comme un miroir inversé de Nausicaa : là où Kushana se laisse entraîner par la peur, l’héroïne du film n’écoute que son amour et son humanisme.
Le conflit éternel : innocence et enfance contre violence et adulte.
Et finalement ne sommes nous pas tous constitués de ces deux pulsions, la peur et l’amour ? Et quel que soit le côté vers lequel on tend, il ne dépend que de nous de changer la donne.
Ainsi le vieil homme au début cache le renard-lapin dans sa poche, tandis que Nausicaa va jusqu’à accepter de se faire mordre pour mieux l’apprivoiser par après.
Néanmoins, Miyazaki ne tombe jamais dans la naïveté qui aurait pu se contenter de faire deux mondes opposés : nature et culture. Il ne rejette pas toute la société. Nausicaa utilise souvent des créations humaines pour se rapprocher encore de la nature.
Pour calmer la colère du grand Ohmu au tout début, elle emploie grenade soporiphique et flûte à vers. Elle prend clairement les armes, mais jamais dans un but violent, toujours dans le but de trouver la lumière.
Mais naturellement, l’outil humain le plus signifiant, c’est son planeur qui ne la quitte pas. Elle apparaît très souvent en train de voler dans le ciel. Cela est symboliquement fondamental, puisqu’elle est le lien entre la nature et l’homme. Les scènes célestes ont évidemment un potentiel poétique énorme. Miyazaki exploite au mieux toutes ces possibilités pour offrir un festival de couleurs, de sons, de beauté. Le ciel est un élément récurrent dans sa filmographie : Kiki la sorcière sur son balais, Chihiro sur son dragon, « le château ambulant » a un personnage qui se métamorphose en oiseau, deux autres ont même eu un "château dans le ciel" ! Ici, le ciel a un rôle narratif très important. Il distingue Nausicaa des autres personnages.
Les avions des hommes sont toujours montrés dans leur actions violentes, dans leur envie de domination, de conquête. Mais Nausicaa ne l’utilise que pour aider, réunir. Et si tout son peuple admire la princesse pour sa connaissance du vent, jamais elle ne montre de l’ego ou de la prétention.
L’homme veut vaincre le ciel, Nausicaa veut juste vivre le ciel.
Cette harmonie avec la nature se retrouve dans les séquences les plus cruciales. Une première fois, plusieurs tentacules viennent sur l’héroïne et l’«emprisonnent ». On la voit alors perdre ses protections, devenues inutiles grâce à l’harmonie. Arrive alors un flash back et un chant enfantin. On voit Nausicaa petite essayant de protéger un insecte de ses adultes qui veulent s’en débarrasser Miyazaki filme alors les mains qui se tendent vers la petite fille comme si c’étaient des tentacules. Le monstre ne se trouve pas du côté que l’on croit. Cette scène aux images terribles est accentuée par la musique, et ce chant de petit enfant. Le décalage crée un sentiment unique.
Le thème de l’écologie se conjugue avec de la spiritualité incarnée en Nausicaa. On a envie de chanter Dieu dans la beauté de la nature. Et puis lors du final on commence à comprendre la spiritualité qui se dégage de l’héroïne. Nausicaa est une figure multiple : j’ai pensé à Jésus (lorsqu’elle se présente les bras en croix devant un canon, puis lors de la « résurrection»), au personnage homérique (celle qui guide Ulysse), au bouddhisme (aller vers l’UN c’est à dire renoncer à la soif, au besoin de domination qui divisent les hommes).
Et puis nous finissons par la scène la plus émouvante, où l’on voit Nausicaa morte, s’étant sacrifiée pour sauver son peuple, et apaiser les Ohmus. Ceux-ci recommencent alors à l’entourer de leur tentacules jaunes, elle se réveille et marche sur le champ de blé céleste qui vient de se créer devant elle. La musique est constituée par une adaptation de la Sarabande de Haendel lorsque la princesse est portée vers le ciel, et puis ré-enchaîne le chant enfantin lors de son réveil. Le retour à l’innocence, une fois encore. La Forme et le Fond se rejoignent pour l’un des sommets de la carrière de Miyazaki.
« Nausicaa de la vallée du vent », une œuvre intemporelle indispensable dans la filmographie du maître de l’animation japonaise. Nausicaa, l’une des personnages les plus fascinantes de son œuvre. Comment chercher et trouver la lumière dans un monde noir, et comment le faire de la façon la plus sincère et la plus humaine. Chacun de nous pourrait s’inspirer d’elle !