Chef-d'oeuvre que Light Sleeper signé Paul Schrader. Un métrage envoutant, tout d'abord porté par une bande son superbe signée Michael Biehn (pas l'acteur!). Le film est très musical, mais pas seulement, il est surtout porté par des chansons aux paroles remarquablement poétiques et cohérentes avec l'histoire. Elles sont une part vitale du film, et c'est assez rare de voir une telle place accordée à la chanson dans un métrage pour être souligné. Cette bande son mélancolique s'accompagne d'un travail visuel tout aussi hypnotisant. Film essentiellement nocturne, le métrage est une déambulation dans une ville d'ombre et de néons. La photographie bleutée contraste avec des teintes chaudes en certains moments d'espoir et de sensualité, Schrader brille par une réalisation intimiste, proche de ses acteurs, mais magnifie également son cadre pour créer des ambiances oniriques et poétiques. Le film rappelle à quel point filmer la nuit peut donner des oeuvres d'une rare poésie. Toutefois, cette qualité plastique s'accompagne encore d'une interprétation sans faille. Dafoe, Sarandon mais tous les autres également composent des personnages tout à la fois excentriques, touchants, inquiétants. En quelques répliques parfois, Schrader pose un personnage mémorable par sa complexité, ses ambiguités, ses failles, et il arrive à rendre émouvant les déambulations de dealers à la croiser des chemins. Ces personnages à relief, évoluent dans une histoire qui en a autant. Schrader est d'abord scénariste à mon sens, il a le sens de l'écrit, et il le prouve ici, avec un métrage aux dialogues soignés, au propos profond, et si certains reprocheront peut-être au film un rythme lancinant, comme une danse hypnotique, que cela sied bien au titre! Tantôt tragique, comique, déséspéré et plein d'espoir, le film brasse les émotions, les sentiments, les états d'âmes avec une facilité déconcertante et son écriture sans faille révèle toute la complexité de l'humanité.
Vraiment, Light Sleeper est un vrai chef-d'oeuvre à tous les niveaux. Bijou méconnu du début des années 1990, un film qui rappelle à quel point il ne faut pas hésiter à se retourner sur cette époque pour profiter d'un cinéma grandiose réalisé pourtant avec peu. Un film dont on sort grandi. 5