Contrairement à George Lazenby, Roger Moore a bien été accepté par le public dans le rôle de 007. Il peut donc retrouver le costume de James Bond une seconde fois. Même s’il retrouve certains éléments traditionnels qui avaient disparu dans Vivre et laisser mourir (entrevue dans le bureau de M, retour de Q…), L’Homme au pistolet d’or continue doucement la transition de la saga vers l’univers caractéristique de Roger Moore essentiellement marqué par l’humour.
Si celui-ci reste encore relativement sobre, le retour du personnage du Shérif J.W. Pepper, cette fois en vacances, montre que la série se tourne doucement vers la franche comédie. De même, la fin du film prouve que la production est prête à oublier totalement la logique pour pouvoir offrir un gag
(le bateau appartenant à Scaramanga, M n’a pas pu y installer un téléphone !)
. De plus, la production n’hésite pas non plus à utiliser l’humour pour ridiculiser Bond lui-même
comme dans la séquence où Bond est sauvé par les nièces du lieutenant Hip étant très douées en arts martiaux.
Cette séquence répond à la volonté de surfer sur l’air du temps.
Après la blaxploitation dans Vivre et laisser mourir, c’est de la mode du cinéma d’arts martiaux que ce Bond s’inspire. Cela explique plusieurs aspects répondant à une volonté d’exotisme mais qui pourrait sembler clichés aujourd’hui bien que ne l’étant pas plus que certaines productions hongkongaises de l’époque.
Pour ce qui est de la gente féminine, L’Homme au pistolet d’or navigue entre le progressisme et la misogynie. En effet, on trouve d’un côté les deux jeunes femmes asiatiques citées plus haut et Andrea qui est un personnage fort et dont l’importance se révèle capitale au récit. De l’autre, se situe celui de Mary Bonne-Nuit (Mary Goodnight en V.O.) qui est régulièrement ridicule (on a du mal à croire que M puisse estimer qu’elle soit un bon agent et qu’elle puisse même effectuer ce métier si dangereux)
: elle est même littéralement humiliée dans la séquence où Bond, en véritable macho, l’enferme dans un placard pendant qu’il profite des charmes d’Andrea
.
Pour ce qui est des antagonistes de Bond, L’Homme au pistolet d’or bénéficie de deux très bons personnages avec ceux du serviteur Tric-Trac (dont la petite taille contrastera avec la grandeur de Requin dans les deux épisodes suivants) et surtout avec Scaramanga. Ce dernier bénéficie du talent du très grand comédien qu’est Christopher Lee, qui pouvait ainsi sortir des films d’épouvante de la Hammer et qui était, par ailleurs, un cousin de Ian Fleming.
C’est d’ailleurs de ce personnage que provient les deux seuls gadgets mémorables de ce long métrage (le pistolet d’or démontable et la voiture volante). En effet, si Q fait son retour, il n’offre à Bond que des renseignements et un téton factice (pour simuler la polymastie de Scaramanga). Cela n’empêche pas le film de regorger de scènes d’action et de cascades
(notamment celle, impressionnante, où la voiture de Bond saute au-dessus d’un canal en effectuant une vrille)
comme dans tout épisode de la série.
Enfin, pour conclure, le traditionnel générique de début bénéficie toujours du talent de Maurice Binder et de entraînante chanson de Lulu composé par John Barry (de retour sur la saga après la parenthèse George Martin de Vivre et laisser mourir pour lequel il n’était pas disponible).
Ainsi, avec L’Homme au pistolet d’or, Roger Moore réussit à prouver qu’il est bel et bien la nouvelle incarnation de 007 et qu’il arrive à lui imposer un univers qui lui est propre, sans encore tomber dans le grotesque qui marquera trop souvent ses derniers passages dans le rôle. Ce second épisode de l’ère Moore se révèle donc un bon crû de la saga.