(...) La thématique du film, c'est donc bien évidemment la condamnation de la peine de mort (un thème peu novateur même pour l'époque mais le contexte de la 2nde Guerre Mondiale le rend difficile à faire accepter au public, surtout après l'attaque sur Pearl Harbor). En fond, on retrouve surtout cette dictature de la masse, cette folie irrépressible qui s'empare d'une foule quand elle cède à ses instincts primaires. Une simple rumeur (personne n'a vu le cadavre à part celui qui colporte la nouvelle en ville) suffit à déclencher une soif de sang qui ne s'étanchera que dans l'horreur pur, au mépris de toute considération pour la vie humaine. (...) Là où le film devient intéressant, au delà de ses qualités cinématographiques évidentes, c'est aussi dans sa propension à transcender les conventions de son genre "d'origine". C'est un drame tout autant qu'un pamphlet mais comme tous les grands films, il sait s'emparer des codes du genre qu'il investit pour en faire autre chose et arriver à donner une dimension universelle à son propos. C'est un western à la base pour le contexte historique qui permet à l'histoire de se dérouler de cette manière là (dans un contexte moderne, ce genre d'intrigue est bien moins plausible et perdrai ainsi de sa force). Les costumes, le décor, la façon de penser des personnages appartient au genre. Son déroulement s'éloigne des conventions et des poncifs attribués à certains fleurons du genre : le duel au milieu de la rue principale, la poursuite à cheval, les méchants indiens et j'en passe. Par contre, il en prend certains pour en faire autre chose : la bagarre de saloon devient un simple échange de coups de poings vite interrompu par le barman, l'histoire d'amour entre la prostituée au grand cœur et le héros devient une simple rencontre entre 2 anciens amants, avec elle qui a refait sa vie au bras d'un homme très riche et lui qui continue sa vie, toujours hanté par son souvenir. Il emprunte au drame judiciaire sa construction avec les échanges entre témoins et avocats, plaidoiries et jugement. Il mixe les genres, prend ce qu'il faut ailleurs afin de changer la nature du film afin d'en tirer le meilleur parti possible et faire que ce western ne soit pas complètement un western. (...) La mise en scène de Wellman n'en souffre guère car ce dernier a fait le choix de la sobriété avec peu de mouvements d'appareil mais il sait aussi très bien produire de belles images. Sa maîtrise de la grammaire cinématographique est impressionnante et il nous trousse aussi des plans d'une beauté visuelle parfois stupéfiante (voir le plan avec les 7 qui se dressent face à la foule, avec cette légère contre-plongée à contre jour ou bien celui qui suit l'acte final). Sa direction d'acteurs est elle aussi impeccable comme lors de cette séquence où Gil retrouve son ex et que les 2 se regardent de manière intense et explicite mais n'échange aucune parole. Du grand travail, plein de maîtrise, qui s'autorise quelques plans d'éclat mais qui reste au final assez sobre afin de laisser le spectateur à l'intrigue. (...) encore aujourd'hui, "L'étrange incident" garde toute sa puissance idéologique, qui frappe en plein coeur et marque nos consciences. Indispensable. La critique complète à lire ici