"Dirty dancing" : un titre qui claque aujourd’hui comme un gros carton au box-office, comme un appel à la nostalgie, et comme un film culte qui suffit à lui seul à assurer une audience non négligeable à la chaîne de télévision qui le diffuse. Et pourtant : qui aurait pu croire cela à l’époque ? Les acteurs étaient peu connus, et le budget était très serré (5 millions de dollars). Mais qu’est-ce donc qui a fait que "Dirty dancing" devienne un succès planétaire ? Eh bien il aura suffi de choisir une B.O. extraordinaire, d’enrôler de sacrés foutus bons danseurs, d’intégrer une romance à priori impossible entre deux personnages que tout oppose (aaaah les mystères de l'amour...), et ensuite de savoir filmer tout en sachant prendre son temps pour développer la psychologie et l’évolution des personnages. Pour les deux premiers points, je crois qu'on peut dire que "Dirty dancing" ne serait pas ce qu’il est sans sa B.O. et ses formidables acteurs. De la même façon que la B.O. ne serait pas ce qu’elle est sans le film. Evidemment je suis conscient que dit ainsi, la dernière phrase peut être forte de café, simplement parce que la B.O. est à elle seule exceptionnelle. Car il faut reconnaître que tous les titres sont devenus légendaires, en partie grâce au succès planétaire de "Dirty dancing". La preuve en est dans le fait que cette B.O. est l’une des plus vendues au monde. Et puis… pour tous ceux qui ont vu le long métrage d’Emile Ardolino, impossible de ne pas voir les images revenir en tête dès les premières notes de "She’s like the wind" (dont Patrick Swayze est en personne l’auteur et l’interprète) ou de "The time of my life" (inoubliable duo composé par Bill Medley et Jennifer Warnes). "Dirty dancing" doit également son succès au fait que n’importe qui peut s’identifier aux personnages. Sur un scénario plutôt simple, le panel de caractères est assez large, grâce aux divers personnages venus d’horizons très différents. Ainsi nous avons cette gentille petite famille, composée par le docteur Houseman (Jerry Orbach), sa femme Marjorie (Kelly Bishop), et leurs filles Frédérique (Jennifer Grey) et Lisa (Jane Brucker). Rien que dans cette famille, les personnages sont déjà différents les uns des autres : conformément aux liens forts qui l’unit à sa fille, le père veut le meilleur pour sa fille, et ça passe par une éducation stricte, qu’on pourrait qualifier de psychorigide. La mère est en retrait, mais observe et quand enfin elle se décide à s’exprimer... elle ne fait pas dans la dentelle ! Frédérique (Frances dans la V.O.) est le type même de la jeune fille surprotégée, avec une psychologie un peu naïve et des yeux d’enfants avides de découvrir le monde. Quant à la sœur, c’est la jalousie sourde incarnée. Tous les quatre remplissent leur rôle à merveille, même si on se surprend des fois à vouloir secouer le docteur pour lui faire voir les choses en face. En dépit du rang social que la famille Houseman tient, ils vont séjourner dans un village de vacances dans lequel les activités sont légion et où l’argent doit couler à flot quels qu’en soient les moyens. Ainsi nous avons affaire à du personnel à la posture guindée, et à des animateurs pour certains aux allures de bad boy. Je veux bien entendu parler de Johnny Castle (Patrick Swayze), dont la dégaine cool fait tâche au milieu du reste du personnel lors de sa première apparition à l’écran. Un genre d’anachronisme qui attise la curiosité, à laquelle va succomber Bébé (surnom bien nommé de Frédérique). Il n’en faut pas plus pour faire démarrer ce qui deviendra un film inoubliable. Quand on le regarde, on se dit que Patrick Swayze et Jennifer Grey ont dû particulièrement bien s’entendre. Eh bien c’est tout le contraire ! Loin, très loin de l’osmose qui semblait réunir les deux acteurs, Patrick Swayze reprochait à Jennifer Grey de prendre d’une manière générale son rôle à la légère. Alors caprices d’une jeune comédienne de 27 ans (soit dix ans de plus que son personnage) ? Ou tout simplement trop de rigueur, ou de sérieux, ou de professionnalisme de la part de Patrick Swayze ? Peu importe, le résultat est là. Et quel résultat ! Une véritable performance en regard de leur mésentente sur le plateau de tournage. En effet, tout en battant du pied tel un métronome le tempo des chansons les plus entraînantes, le spectateur est malgré lui plongé dans leur histoire, grâce à la caméra intimiste d’Emile Ardolino, subjuguée par une bien jolie photographie. Sans compter que le réalisateur s’attarde sur des scènes en solo, comme celle où on voit Bébé répéter les pas de danse sur un petit pont de bois, des pas parfois ponctués de trépignements du pied comme lorsque les petites enfants font savoir qu’ils ne sont absolument pas d’accord avec les décisions parentales. C’est d’ailleurs à Jennifer Grey que va ma mention spéciale. Car elle sait danser, c’est indéniable. La scène finale est là pour en témoigner, même si sur certains mouvements elle garde une certaine rigidité (le balancement de la tête d’un côté à l’autre), ce qui l’empêche d’être au niveau de Cynthia Rhodes dans le rôle de Penny. Mais quand on sait danser, il n’est pas évident d’interpréter quelqu’un qui ne sait pas danser et qui doit apprendre. Il n’est pas aisé de renier (ne serait-ce que temporairement) ce qui a été appris durant de longues heures d’apprentissage dispensé sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Il faut aussi garder en mémoire qu’elle avait dix ans de plus que l’âge de son personnage, et c’est à s’y tromper grâce à sa petite taille (1m60) et à son jeu d’actrice par lequel elle joue à la perfection les maladresses et l’enivrement de l’amour fou souvent reconnaissables chez les adolescents. Pour ceux qui ont découvert le regretté Patrick Swayze sur le tard, ils seront étonnés de voir à quel point il était bon danseur. En réalité, c’était un artiste accompli puisqu’il était d’abord danseur, puis comédien, et ensuite auteur, compositeur et interprète. C’est à se demander pourquoi il n’a pas (ou pas pu ?) exploiter davantage ses nombreux talents. Il n’empêche qu’il forme un joli couple avec Jennifer Grey, bien que les danses avec Cynthia Rhodes aient un meilleur rendu qualitatif. Pour conclure, "Dirty dancing" est quoiqu’il en soit devenu un film culte, un film qui réveillera des souvenirs pour certains, et inspirera chez beaucoup d’entre nous une douce et agréable nostalgie.