Film culte s’il en est, "Dirty Dancing" transcende les jeunes filles de génération en génération et occupe une place à part dans la culture populaire ("L’Arnacoeur" l’a encore prouvé récemment). J’attendais pourtant une grosse guimauve caricaturale doublée d’une succession de scènes de danse pas particulièrement fun. Et force est d’admettre qu’au final, le film n’est pas dépourvu de qualités, bien au contraire. Tout d’abord, les scénaristes ont eu la bonne idée de situer l’action dans l’Amérique des années 60 encoure engourdie dans des codes désuets mais commençant à découvrir une jeunesse plus contestataire et à l’écoute de ses sens (la fameuse "dirty dancing", très collé-serré voire explicite, à laquelle s’adonne les jeunes en est la parfaite représentation). Ensuite, la BO, qui enchaîne les morceaux de rock, les mélodies latinos et les slows langoureux, est devenue un modèle du genre ("She’s like the wind" et "The time of my life" sont désormais des standards au même titre que "Take my breath away" ou "The unchained melody). Mais surtout, l’intrigue et les personnages, sans être renversants d’originalité, sortent un peu des sentiers battus. Ainsi, Bebe (l’inconnue Jennifer Grey qui restera prisonnière du rôle) est certes une ado idéaliste pleine d’illusions (et altermondialiste avant l’heure) mais cette personnalité sert l’histoire et permet d’expliquer ce qui la pousse à agir. Idem pour Johnny, le danseur professionnel (Patrick Swayze en fantasme ambulant), qui n’est pas le gars le plus sociable du monde mais dont la droiture et le charisme feraient craquer n’importe quelle fille. La rencontre entre les 2 héros suivie de leurs cours de danse est d’ailleurs amenée de façon plutôt inattendue (je craignais l’histoire archi-classique du prof de danse, payé par les parents, qui s’éprend de son élève). Quant au rôle du père (formidable Jerry Orbach, plus connu pour son rôle dans "New-York Police Judiciaire"), il s’éloigne de l’archétype habituel du paternel protecteur et obtus au profit d’un personnage plutôt bien écrit qui va passer par plusieurs stades à mesure que sa fille s’émancipe (le père en adoration devant sa fille qui rêve de changer le monde au détriment de son autre fille, le père déçu par ses mensonges, le père prêt à reconnaître son emportement...) tout en bénéficiant de l’admiration de l’ensemble des personnages du film (il n’est pas si commun de voir de jeunes héros dire d’un père qu’il est formidable). Maintenant, "Dirty Dancing" reste très calibré "film pour filles" avec tous les défauts que cela suppose. On a ainsi droit aux dialogues à l’eau de rose (à base de "tu es tout pour moi", "tu m’as ouvert les yeux sur la vie", "personne n’a jamais pris autant de risque pour moi", etc...) et aux clichés inhérents au genre (le héros banni qui revient pour un dernier baroud d’honneur, le fils du patron forcément méchant, moche et stupide...). Mais les qualités inattendues du film ont vite fait de rendre ce "Dirty Dancing" très acceptable pour un public masculin (ce qui n’était pas gagné d’avance) et permettent de mieux comprendre son statut de classiques indémodables pour ces demoiselles.