Osciller entre les trois intrigues donne le désagréable sentiment de végéter dans le récit. À peine avons-nous le temps de découvrir Gollum qu'on part chez les Ents avec Merry et Pippin, pour finalement se concentrer sur la suite des événements chez les humains ; puis retour à la case départ… Résultat : pas le temps de développer de lien avec les personnages ou d'approfondir une scène. Tout va vite, et pourtant, le film s'étire et nous ennuie.
À commencer par les séquences avec les Ents, à relayer au panthéon des scènes les plus rasantes du cinéma. Sylvebarbe parle au ralenti, sur des sujets inintéressants, à deux personnages superflus, le tout, dans un décor sylvestre mal éclairé.
L'arc narratif des humains n'est guère plus passionnant. Le très maléfique Saroumane se joue d'un peuple incapable de se rendre compte que leur roi n'est plus en état de rien, et que son conseiller délateur, Gríma langue-de-serpent – surnom très subtil, qui indique que les autres sont pourtant au courant de ses ruses… – manipule son monde pour régner dans l'ombre.
Les Deux Tours, une fois la communauté éclatée, délaisse une grosse part du merveilleux, de la fraternité épique du premier film, et altère la progression rythmée des protagonistes. Le scénario souffre d'un éparpillement, d'un foisonnement excessif de personnages conduisant, même pour un film de près de 4 h, à un développement insuffisant des ces derniers. Chacun finit par adopter un trait de caractère unique qui le définit : la sournoiserie ou la barbarie pour les antagonistes manichéens ; la bouffonnerie pour Gimli, l'élégance pour Légolas, la sagesse pour Gandalf, le courage pour Aragorn, la fierté pour Théoden, etc., etc.
On regrette aussi le manque cruel de personnages féminins. Même en s'appuyant sur la trilogie entière, leur chiffre s'élève à quatre ! Dont deux très secondaires – Arwen et Galadriel – , et une anecdotique – la Hobbit sur laquelle Sam a des vues. À l'instar des mœurs sexistes de l'époque médiévale, les femmes ne seraient bonnes qu'à attendre leur mari, à jouer les enchanteresses ou à faire preuve de sensibilité le moment venu, contrairement aux hommes qui, eux, sont de vaillants gaillards… Le personnage d'Éowyn, à cet égard, tente de déroger à la règle, à travers les velléités belliqueuses qui l'animent. Toutefois, son personnage demeure, le plus souvent, un simple vecteur de tristesse.
On demeure aussi perplexe face à la glorification de la guerre. Les soldats doutent ? Rien ne vaut un bon laïus royal pour les ragaillardir ! Théoden se découvre des aspirations philosophiques en période de crise, se questionne sur ses origines, sa personne, mais n'envisage jamais les pourparlers, la diplomatie. Car les ennemis sont foncièrement sanguinaires. Ce sont des barbares irraisonnables, prétexte idéal pour ne pas s'encombrer d'une réflexion sur la guerre. L'entité malveillante est une ombre enflammée, vivant dans un pays désertique, enténébré par la fumée volcanique.
Jamais on ne sera surpris par la direction que prend l'histoire, ni saisi par les thématiques qui sont soulevées. Jackson a délaissé la richesse narrative au profit d'un zèle de bastons, d'une multiplication de plans-hélicos et d'une indigestion d'effets spéciaux.